La vie sans contact – Journal de bord d’une Française en Italie, 1er épisode

 

Un dimanche soir, nous recevons une rafale de SMS de la part de notre voisin. Il faut nous faire tester! Mais non, ce n’est pas personnel, c’est juste une précaution! Vous ne vous êtes pas encore faits tester? Si j’étais vous, je le ferais. Ce n’est pas très responsable. Et le directeur du centre, il est au courant? Vous retirez bien vos enfants de l’école, demain, hein? Ce n’est pas personnel, c’est juste une précaution. Nous souhaitons protéger nos enfants.

22h30. Nous sommes épuisés. S’il a peur de « LA MALADIE », c’est lui qui n’a qu’à retirer ses enfants de l’école. Les nôtres vont bien, grazie mille.
Le lendemain, sa fille n’était pas à l’école. Elle est restée en tout plus d’une semaine enfermée chez elle, avec sa mère tétanisée. La pauvre gamine (à peine 5 ans) ne peut d’ailleurs sortir sans son… j’allais dire son voile. Sans son masque en tissu sur la bouche, qui l’empêche de respirer et l’enferme, peut-être pour toujours, dans la peur de l’autre.
Pourquoi cette pression, cette intrusion dans notre vie personnelle?
Parce qu’il y eu « un cas positif ». Mon Dieu, un cas positif. Au centre où travaillent mon mari et ce voisin. La question est : y a-t-il eu contact, b… de m…? (nous sommes un peu énervés). Souvenons-nous bien. Y a-t-il eu contact? Car il ne faut surtout plus qu’il y ait eu de « contact ». Le contact tue. Ce n’est pas encore écrit sur les boîtes de test, mais ça ne saurait tarder.
L’école sait désormais qu’il y a eu un « cas positif ». Mon fils ne peut entrer immédiatement dans la classe, rejoindre ses camarades. Pas de contact! Surtout pas! On fait appeler la directrice de l’école. Je dois promettre que mon mari n’a eu « aucun contact avec le cas positif ». Notons que ce ne sont plus des « personnes » mais des « cas positifs ». Pas de contact, il faut l’écrire noir sur blanc, et signer sur l’honneur.
Pour permettre à nos enfants de voir leurs camarades de classe et vivre une vie à peu près normale, nous nous exécutons. Mon mari envoie une « auto-certification », jurant qu’il n’y a « pas eu de contact ». Heureusement, la maîtresse a encore la tête sur les épaules et a tout de suite accueilli mon garçon dans sa classe, sans même attendre la preuve de « non contact ».
Je sors et fais une course. Je tends ma carte bleue. C’est « sans contact »!
Je comprends tout. Ils nous font une vie sans contact. Voulons-nous d’une vie sans contact?
 « Une Française en Italie »