DE L’EGLISE MANAGÉRIALE : LES RESSOURCES HUMAINES

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Comme le flot grossissant d’une colère trop longtemps contenue, le testament spirituel de l’Abbé Gordien, un an après le suicide de son confrère François de Foucauld, renvoie la hiérarchie catholique devant ses responsabilités quant au désarroi d’un grand nombre de prêtres [1]. Ces derniers savent depuis le Séminaire qu’ils auront à souffrir pour l’Eglise et par l’Eglise où le mystère d’iniquité s’exprime communément par l’ambition, la lâcheté et la jalousie. Mais ces tentations cléricales habituelles sont aujourd’hui exacerbées par une quasi-rupture entre le « haut » et le « bas » clergé, à l’image des tenants de la Macronie vis-à-vis du « pays réel ». L’Abbé Gordien en avait perçu le danger spirituel [2] :

A l’intérieur de l’Église, des loups se sont introduits. Ce sont des prêtres, et même parfois des évêques, qui ne cherchent pas le bien et le salut des âmes, mais qui désirent d’abord la réalisation de leurs propres intérêts, comme la réussite d’une « pseudo-carrière ». Alors ils sont prêts à tout : céder à la pensée dominante, pactiser avec certains lobbies comme les LGBT, renoncer à la doctrine de la vraie foi pour s’adapter à l’air du temps, mentir pour parvenir à leurs fins. J’ai rencontré ce genre de loups déguisés en bons pasteurs, et j’ai souffert par l’Église.

Loin d’être incompatibles avec celles de son confrère, les alarmes de l’Abbé de Foucauld portaient sur l’exercice du pouvoir épiscopal et la « mécanique abusive » dont il ne fut pas le seul à souffrir [3] :

Je suis prêtre depuis 17 ans dans le diocèse de Versailles. Depuis le séminaire, j’entends parler d’abus. Pédophilie, abus de pouvoir, gouvernances troubles… Ces sujets ne sont pas niés explicitement, mais la parole est enfermée. C’est trop souvent un petit cercle de clercs et laïcs autour de l’évêque qui s’arroge le dernier mot.

A voir les visites apostoliques et les démissions épiscopales impératives se multiplier, on pourrait croire l’Eglise cherchant à se rétablir sur la doctrine et le gouvernement qui ont assuré sa fécondité bimillénaire mais tel ne nous semble pas le cas. La démission récente de Monseigneur Ravel nous paraît en cela significative : l’Archevêque de Strasbourg se verrait reprocher, par une partie de son clergé, un « style de gouvernance autoritaire, voire militaire » [4] mais un Pape connu pour son autoritarisme quasi dictatorial [5] pourrait-il s’en formaliser ? De même, des catholiques cohérents pourraient légitimement se scandaliser du soutien public apporté par le « citoyen Ravel » au candidat Macron [6] ou de la désertion du prélat à la dernière messe chrismale pour rencontrer Jupiter à Strasbourg [7] ; mais, François ne prête-t-il pas lui-même le flanc à une juste indignation par des prises de positions politiques et morales ambiguës ? Il y a donc fort à parier que les motifs de l’éviction de Monseigneur Ravel ne sont pas exactement ceux diffusés dans la presse. D’ailleurs, pour l’Archevêque démissionné, la cause profonde en serait « son combat contre les abus dans l’Eglise » [8]. C’est sous-entendre que le Vatican tenterait de couvrir ces abus par le musellement dénoncé par l’Abbé de Foucauld. A supposer que cela soit exact, serait-ce pour les sordides raisons évoquées ci-dessus par l’Abbé Gordien ?

En serait-il de même pour le « dossier » de Fréjus-Toulon où l’on observe un scénario analogue ? On exploite ou l’on suscite une contestation intérieure fournissant le prétexte d’une « visite amicale » évoluant en « visite apostolique » confortée par des révélations dans les médias aussi spontanées qu’opportunes. Qu’à l’occasion de cette inspection, la parole se délie et mette en lumière de réels dysfonctionnements, on ne pourrait que s’en réjouir, pourvu que l’on cherche sincèrement à y remédier ; mais il est à craindre que ne soit retenu au final que ce qui contribuera à l’éviction de l’évêque, probablement préméditée de longue date, pour des motifs là encore complexes, ni totalement justifiés, ni totalement infondés.

Il serait vain, à notre humble niveau, de chercher les tenants et les aboutissants de ces manoeuvres ecclésiastiques qui rappellent les intrigues de la politique nationale et internationale dont les peuples sont les premiers à souffrir. Il n’en demeure pas moins patent que l’Eglise adopte de plus en plus largement les « modes de fonctionnement » du monde et plus particulièrement les techniques managériales [9] dans la direction des hommes. Le traditionnel « gouvernement » s’efface devant la « gouvernance » sans réaliser ce que ce dernier terme charrie en matière de manipulation mentale, de quantification de la performance et de bouleversement institutionnel [10].

Le management porte en lui-même le principe de dissolution de toute institution [11] : l’organisme ecclésial ne peut que se désagréger à son contact. Nous en avons déjà dénoncé les ravages dans la vie consacrée féminine et dans la « pastorale de l’écologie » [12]. La souffrance infligée par une hiérarchie hors-sol, ayant troqué le Compendium de la Doctrine sociale pour un vademecum de ressources humaines, en est pour nous une nouvelle illustration. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette dissolution des liens organiques constatée au niveau diocésain doit refléter celle probablement en cours au niveau universel.

Le management est intrinsèquement pervers, c’est pourquoi il est particulièrement nocif dans l’Eglise. Pour bien le comprendre, il faut revenir à ses principaux fondements philosophiques : la kabbale juive, le quakerisme américain et l’industrialisme saint-simonien. Nous avions surtout insisté sur le dernier dans notre prologue de l’Eglise managériale [13]. Nous y reviendrons dans notre toute prochaine chronique sur les ressources économiques. En attendant, nous nous pencherons sur les deux premiers et tout d’abord sur l’illuminisme dont le management a hérité des Quakers.

Le management suppose en effet une dimension prophétique : le leader est porteur d’une « vision » quasi-céleste au nom et en fonction de laquelle il pourra tout ordonner, quitte à détruire l’ordre préétabli, fut-il millénaire. Rien, pas même le réel, ne saurait contrarier ce « projet » volontariste que les subordonnés devront exécuter mécaniquement, jusque dans ses incohérences flagrantes.

Nulle question ici de subsidiarité, de devoir de conseil des collaborateurs car le leader ne dirige pas des hommes libres et doués de raison mais des golems, des êtres élémentaires animés ponctuellement pour accomplir les desseins de leur maître avant d’être renvoyés au néant [14].

Dans la légende juive, le golem suscite autant d’espoir que de crainte car ce protecteur de la communauté pourrait ne plus la servir voire se retourner contre elle s’il prenait conscience de lui-même. Cette nécessité de contrôle permanent se retrouve dans le management avec le recours aux protocoles et à de multiples techniques de manipulation. A l’instar de son modèle mythique, le subordonné n’est pas supposé s’interroger sur le bien-fondé de son action : il n’a qu’à poser les actes extérieurs exigés par le protocole du moment. De la même façon, le discours du leader n’est pas fondé sur le vrai en vue du bien car il a pour seule raison d’être d’obtenir des golems le comportement conforme par des « narratifs » et autres « éléments de langage ». Toute référence à la justice devient dès lors illusoire aux yeux du leader : à l’image de la diplomatie américaine, il fait abstraction du droit au profit de « règles » qu’il entend imposer ou changer au gré de son inspiration prophétique. Aux collaborateurs et subordonnés de s’y adapter perpétuellement.

Aussi contraire à l’esprit apostolique que cela soit, on ne s’étonne malheureusement plus de voir des institutions catholiques (diocèses, congrégations, associations…) adopter des pratiques de ressources humaines dignes de la « Machine à broyer » de Didier Bille [15].

Oublié l’ordre social organique, les salariés de ces institutions deviennent interchangeables comme on changerait dans une machine un écrou défectueux par un conforme. L’épaisseur humaine, l’expérience et les qualités intérieures s’effacent au profit de la docilité à suivre les injonctions de la gouvernance. Outre le fait qu’elle stérilise toute prise d’initiative, cette standardisation entraîne l’éviction des personnes considérées comme non adaptables au « projet », à la « mission » commune : personnalités « atypiques » du fait de leur créativité, de leur expérience professionnelle, ou plus cyniquement employés de longue date réduits au poids de leur rémunération sur la « masse salariale ». Bien évidemment, il n’est pas question de froid licenciement mais de « conduite du changement » par laquelle la victime désignée sera charitablement « accompagnée » vers de nouvelles voies d’accomplissement. Les conséquences fâcheuses de cette gestion du personnel ne tardent pas à se faire sentir, notamment la perte d’un « esprit maison » (identité, savoir faire) du fait du renouvellement accéléré des postes ; la perte d’autonomie et l’augmentation des coûts cachés suite à la préférence donnée aux prestataires extérieurs. Sur le plan humain et spirituel, l’organisme se prive de ses capacités de conversion : contrairement au modèle organique et familial, le management ne cherche pas à accueillir l’autre, à comprendre pourquoi la Providence a rassemblé des personnes aussi différentes, avec leurs richesses et leurs pauvretés. Sous peine d’éviction de la communauté corsetée dans sa « mission », l’individu doit se couler dans la vision du leader qui lui ne saurait devoir se corriger.

La défiance étant inhérente à la gouvernance, le management du personnel s’assimile à la culture des champignons en cave : obscurité, pourriture et coupage des têtes qui dépassent (mushroom management). Concrètement, la gouvernance entretient les subordonnés dans une relative ignorance, les privant d’informations utiles à leurs fonctions dont ils demeurent responsables. De même, une instabilité matérielle, relationnelle ou psychologique peut être savamment entretenue afin d’user les réfractaires et de conforter les autres dans l’adaptabilité permanente. Si les dysfonctionnements devenaient trop évidents, la gouvernance recourrait à toutes les manoeuvres dilatoires jusqu’au pourrissement de la situation (silence, mépris, culpabilisation, promesses fictives, menaces implicites etc.), les récalcitrants rentrant dans le rang de guerre lasse ou démissionnant plutôt que de sombrer dans la dépression.

L’harmonie au travail prônée par le management n’est donc bien qu’une hypocrisie [16] dont il est vital de maintenir l’illusion. Les instances que l’Eglise, dans sa grande prudence, a prévues pour éclairer l’Evêque ou le Supérieur de communauté dans son gouvernement, quitte à lui résister (curie, chapitre, conseils etc.), tendent à se transformer sous la gouvernance en chambres d’enregistrement. Les délibérations de ces instances paraîtront d’autant plus consensuelles que les opposants éventuels auront été sournoisement évincés ou marginalisés par la nomination au conseil de nouveaux affidés.

Ainsi voit-on souvent un leader de l’Eglise managériale s’entourer de « mercenaires » d’autant plus serviles qu’ils auront été placés à des fonctions sans rapport avec leurs compétences ou les dépassant largement. C’est le règne de la kakistrocratie, bien connue dans les milieux mafieux. Les qualités personnelles y sont écartées comme potentiellement dangereuses au profit de la loyauté, des services rendus et à rendre [17].

A l’instar de l’Etat doutant de lui-même comme de ses cadres, l’Eglise managériale se défie de collaborateurs compétents et ne peut espérer l’excellence de courtisans incapables [18]. Elle s’abandonne dès lors aux solutions onéreuses et inefficaces mais déresponsabilisantes d’experts extérieurs rarement désintéressés. L’Eglise a elle-aussi ses cabinets de conseil parasites : Alpha, Obole, Talenthéo [19] et autres officines de « leadership vertueux » [20] entretenant des liens étroits avec le monde de la finance, des multinationales et des grandes institutions publiques ou privées [21].

Devant justifier leur prestation, ces experts condamneront un fonctionnement organique, viable quoique perfectible, pour ne pas correspondre à leur modélisation managériale. Le principe est de détruire ou de vider de sa substance ce que l’on ne contrôle pas, quelle qu’en soit la qualité intrinsèque. On auditera et consultera largement mais à seule fin de faire accepter au personnel, sous couvert de « vision coconstruite », la restructuration secrètement préméditée par la direction. On pourrait d’ailleurs se demander si la démarche synodale en cours ne relèverait pas des mêmes techniques de fabrication du consentement pour imposer à l’Eglise des changements profonds, préétablis officieusement en haut lieu [22]. Le Vatican n’aurait-il pas fait appel au cabinet McKinsey, peu après l’élection du Pape François, pour moderniser la communication du Vatican ? [23] L’infiltration de ces grands cabinets de conseil dans les instances gouvernementales a été suffisamment dénoncée depuis pour ne pas s’inquiéter rétrospectivement de leur mauvaise influence sur l’Eglise universelle.

La gouvernance que nous dénonçons dans l’Eglise est contraire à l’esprit apostolique du gouvernement. Elle peut cependant séduire des catholiques bien intentionnés, notamment dans la mouvance charismatique, liée historiquement au Pentecôtisme américain, et sociologiquement au milieu des affaires. Quoi qu’il en soit, l’Eglise reposant, comme la famille, sur des principes « de vérité, de mansuétude et de justice », il n’est pas surprenant de la voir désarmée de prime abord face à l’esprit managérial, par nature dissimulateur et manipulateur. Les fidèles, bénévoles ou salariés, tendent déjà par eux-mêmes à se dévouer plus que de mesure, pour l’amour de Dieu. Le respect accordé spontanément au clergé et une conception mal éclairée de l’obéissance les entretiennent également dans une docilité souvent excessive vis-à-vis d’un supérieur ecclésiastique. N’étant pas chargé de famille, celui-ci peut quant à lui ne pas avoir toujours conscience des contraintes matérielles ou personnelles de ses subordonnés [24]. S’il s’agit de ses fidèles, les distinctions entre salariat et bénévolat, for interne et for externe risquent par ailleurs de s’estomper. Entre gens de bonne volonté et conscients de leurs faiblesses, on peut espérer que les frictions relationnelles du quotidien comme les réelles injustices se règlent aussi bien que possible par le bon sens, éclairé par la doctrine sociale et le droit, purifié par la prière et les sacrements. On voit mal en revanche cet équilibre subtil se maintenir entre un leader inspiré on ne sait trop par quoi et les amas de terre glaise auxquels il réduit inconsciemment ses frères par la kabbale managériale [25]. Il en est ainsi des meilleures institutions : elles n’échappent pas à la corruption lorsqu’un esprit pervers en prend le contrôle. Emprise et abus d’autorité ne sont pas plus systémiques dans l’Eglise que dans l’Etat, et même plutôt moins : c’est la part d’obscurité des hommes qui incarnent ces institutions qui en est la cause.

Compte tenu de ses fondements sulfureux, l’esprit managérial devait faire davantage souffrir l’Eglise et ses membres, plus particulièrement les âmes sacerdotales et consacrées. Se vouant à l’amour de Dieu et du prochain, ces serviteurs inutiles et défaillants ne peuvent adopter sans violence la logique managériale d’efficience par la robotisation de l’homme. Ainsi, le lien personnel, conçu traditionnellement par analogie avec le corps humain ou la famille, se raidit-il en devenant artificiel. C’est sensiblement le cas de la paternité spirituelle sensée unir l’Evêque, ou le Supérieur de communauté, avec son clergé. Quel père digne de ce nom resterait-il insensible à la souffrance de ses enfants comme le sont bien des Ordinaires vis-à-vis de la détresse matérielle ou personnelle de leurs subordonnés, quand ils n’en sont pas à l’origine ? Face à une hiérarchie maltraitante, le clerc, assimilé assez étrangement à un travailleur indépendant, ne dispose pas des mêmes protections sociales que le salarié, notamment contre le harcèlement [26]. Dans ce domaine, l’Eglise managériale ne manque pas de ressources : report d’ordination, refus de prolongation d’études, retard de remboursements professionnels, nomination inappropriée, logement insalubre, destitution arbitraire voire infamante etc. Si le golem venait à se souvenir de ses droits et prendre un conseiller canonique, on ne manquerait pas de culpabiliser ce fils ingrat poursuivant celui qui l’aura élevé au sacerdoce et entretenu.

Si l’esprit managérial infiltré dans l’Eglise torture particulièrement les âmes sacerdotales, il ne se contente pas de les malmener de l’extérieur, mais tord profondément celles qui s’exposent à lui imprudemment. Sous l’effet de la « managérialisation » universelle, tout n’est plus que processus et mouvement : le monde ne connaît plus le repos. L’individu n’est plus qu’un ensemble de compétences qui doit s’adapter au système finalisé en étant toujours plus fluide. De même, dans l’Eglise managériale, les prêtres sont gagnés par l’activisme « missionnaire » jusqu’à l’épuisement : oubliant que sainte Thérèse de Lisieux devint sainte patronne des missions sans jamais quitter son Carmel, ils perdent le sens de la contemplation et du repos spirituel [27]. Et pour bien des gouvernances diocésaines, seuls les prêtres de paroisse sont vraiment « utiles », notamment par l’argent qu’ils rapportent [28]. Les autres, comme les ermites, sont suspectés d’égoïsme ou de paresse.

Mais si l’esprit managérial est particulièrement nocif, c’est dans le rapport à la vérité qu’il fausse, ce qui ne peut être que préjudiciable pour des âmes consacrées à la Vérité incarnée. En effet, comment des prêtres conserveraient-ils un jugement droit en s’imprégnant de principes contraires à la foi et à la morale catholiques ? Le plus troublant est que cette « conversion managériale » puisse coexister avec de réelles qualités sacerdotales et une parfaite bonne conscience comme chez ce prêtre promoteur du management pastoral qui affirmait innocemment que le modèle du manager existait dans l’Evangile…en Judas [29]. Quitte à prendre pour modèle un traître, nous lui préférons saint Pierre qui nous a transmis l’exemple du pasteur catholique et de l’anti-manager (Saint Pierre 1, V, 1-5).

L’Abbé

J’exhorte les anciens qui sont parmi vous, moi ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ, et qui prendrai part avec eux à la gloire qui doit être manifestée : paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré ; non dans un intérêt sordide, mais par dévouement ; non en dominateurs des Églises, mais en devenant les modèles du troupeau. Et quand le Prince des pasteurs paraîtra, vous recevrez la couronne de gloire, qui ne se flétrit jamais.

[1] Cf. Jean-Marie Guénois, « Comment les jeunes prêtres font face aux difficultés de l’Eglise », dans Le Figaro n° 24458, lundi 10 avril 2023, p. 2-3. Sur le même sujet, cf. également le Club des Hommes en Noir, 22 avril 2023, « Comment vont les prêtres de France ? »

[2] On ne s’étonnera pas que la Conférence des Evêques de France ait banni de son site ce testament inconvenant où il avait été imprudemment publié (cf. Jean-Marie Guénois, ibidem). Heureusement, le texte intégral de l’Abbé Gordien est encore largement partagé sur internet, notamment par Famille Chrétienne.

[3] François de Foucauld, « Abus : La contrainte au silence dans l’Eglise ne passe plus », dans La Croix 2 décembre 2021

[4] Tribune Chrétienne, « Monseigneur Ravel : la démission tant attendue », 21 avril 2023

[5] Cf. Henry Sire, Le pape dictateur : l’histoire cachée du pontificat, Paris, Presse de la Délivrance, 2018

[6] Franceinfo, « Présidentielle : l’archevêque de Strasbourg, Luc Ravel, votera Emmanuel Macron, « plus capable de fédérer » », 15 avril 2022

[7] Tribune Chrétienneop. cit.

[8] Cf. La Croix, 19 avril 2023, « Diocèse de Strasbourg : contraint par le Vatican, Mgr Luc Ravel va démissionner »

[9] Cf. notamment Arnaud Bevilacqua, « Comment le coaching gagne du terrain dans l’Eglise » dans La Croix, 16 avril 2021, p. 17

[10] Cf. notamment « La gouvernance par les nombres 1 – De quoi la gouvernance est-elle le nom », conférence filmée de Denis Supiot pour la Fondation Hugot du Collège de France (17 février 2017)

[11] Cf. notre prologue sur l’Eglise managériale, « Vous avez fait de la maison de mon Père une maison de négoce »

[12] Cf. « La vie consacrée féminine » et « Eglise verte ou le catho-bobo labellisé »

[13] « Vous avez fait de la maison de mon Père une maison de négoce »

[14] Cf. Baptiste Rappin, Au fondement du Management – Théologie de l’Organisation – Volume 1, Editions Ovadia, Collection Chemins de pensée, 2014, p. 169 et suivantes

[15] Didier Bille, DRH. La Machine à broyerRecruter, casser, jeter, Paris, Le Cherche Midi, 2018 ; Interview pour CDI Média (21 mars 2018)

[16] Julia de Funès : « Le bonheur au travail est une hypocrisie managériale », Interview pour CDI Média (5 octobre 2018)

[17] Isabelle Barth, « La promotion par l’incompétence : la kakistocratie », Xerfi Canal (2019)

[18] Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, interview pour France-Inter (15 février 2022)

[19] Sur Talenthéo, que nous dénoncions déjà dans notre prologue de l’Eglise managériale, « Vous avez fait de la maison de mon Père une maison de négoce » en 2019, nous ne pouvons que recommander l’étude fouillée que lui a consacrée en 2021 le Père Dominique Auzenet, Talenthéo : l’entrée du coaching dans l’Eglise, sur le site sosdiscernement.org

[20] Cf. notamment l’Institut de Leadership vertueux fondé par Alexandre Dianine-Havard ou le Thomas More Leadership Institute organisant ses Rencontres du Leadership intégral au Collège des Bernardins, avec le soutien du journal France Catholique, propriété du Groupe Bolloré depuis 2018. Quant au « leadership intégral », auquel nous consacrerons probablement une future chronique, sa fiche sur Wikiberal est déjà très éclairante sur les origines et les finalités de ce concept : promouvoir le « leader intégral » dont la description n’est pas sans rappeler la pire propagande macronienne (« Le danger qui guette le leader intégral est d’être perçu comme marginal par les autres qui ont des difficultés à cerner son identité flexible et déroutante. Certains subordonnés peuvent se sentir menacés dans leur confort psychologique. Plutôt pro-actif et holiste, le leader intégral a tendance à vouloir faire grandir les autres pour le bien de tous sauf que toutes les personnes ne sont pas toujours prêtes pour cela »).

[21] Cf. notamment « Vous avez fait de la maison de mon Père une maison de négoce », note 6 pour les parcours de Florence de Leyritz et Anne-France de Boissière auxquels on pourrait ajouter celui de Jean-Marc Liduena, ancien Président d’Alpha-France, Président de la Fondation du Collège des Bernardins depuis 2021, Senior Partner chez KPMG jusqu’en janvier 2023 et CEO de Circle depuis avril dernier (cf. Site Consultor, 4 avril 2023, « La roue tourne chez Circle ») : Sur les institutions publiques, on s’intéressera avec profit à la Chaire Unesco de Paix économique « partie intégrante » de Grenoble Ecole de Management , visant à « replacer l’homme au coeur de l’organisation et l’entreprise au coeur de la cité ».

[22] Sur la synodalité, voir notamment le Club des Hommes en Noir, « Des Musulmans à Saint-Sulpice et le lancement du Synode sur la Synodalité »

[23] AFP – 19 décembre 2013 « Les cabinets McKinsey et KPMG chargés d’améliorer la communication et la comptabilité du Vatican », Site www.la-croix.com

[24] Cf. à titre d’illustration dans les paroisses, la pratique du « panier du curé », et l’avis de Marie-Madeleine à ce sujet sur ce blog : Vous pouvez vous faire cuire un oeuf !

[25] Pour une illustration de ce genre de dérive, cf. Jean-Loup Adénor, Timothée de Rauglaudre, Le nouveau péril sectaire, Paris, Robert Laffont, 2021, chapitre 16, sur une secrétaire de paroisse, soumise sans son consentement, à un exorcisme par son curé et employeur, parce qu’elle refusait d’effectuer en bénévolat ce qui devait relever des heures supplémentaires. Indifférente à ces violations canoniques et sociales multiples, la gouvernance diocésaine refusa de proposer un poste comparable dans une autre paroisse à la victime qui ne pouvait décemment plus travailler avec son persécuteur.

[26] Jean Mouly, « L’applicabilité des règles de droit du travail aux membres de l’organisation religieuse », dans Revue du droit des religions, 5 | 2018, p. 87-104, mis en ligne le 25 novembre 2019

[27] Cf. Maximilien Le Fébure du Bus, Eloge spirituel du repos, Paris, Artège, 2022

[28] Sur l’évaluation économique de l’apostolat, cf. notre prochaine chronique sur les ressources économiques

[29] Thomas Debesse, « Judas manager », sur https://illwieckz.net, le 05 juin 2020

Crédit iconographique : Philippe Semeria – https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/

 

 

« ILS SAURONT CE QUE C’EST QUE ME SERVIR OU SERVIR LES ROYAUMES DE LA TERRE », Le glaive de la Colombe

Un an après le début du premier confinement, la Semaine Sainte parait comme une récapitulation plus calamiteuse des deux précédentes : l’avertissement de Notre-Dame de Paris vite oublié [1], la France expérimenta en 2020, pour quelques semaines prétendait-on alors, l’assignation à résidence et la suspension du culte public [2]. Aujourd’hui la propagande sanitaire renvoie un hypothétique « retour à la normale » à la fin de la décennie qu’une savante succession de confinements et de vaccinations massives devrait nous faire attendre docilement [3]. Trop évidente pour toute personne sensée, la tyrannie de la « grande réinitialisation » ne cherche même plus à se cacher [4], révélant en contrepoint l’immuable pédagogie divine à l’égard de l’humanité perfide (2Chroniques XII, 8) :

Ils sauront ce que c’est que me servir ou servir les royaumes de la terre.

Malgré la population sidérée par l’intuition d’un péril inéluctable, des voix courageuses se font heureusement entendre et suscitent de réels nœuds de résistance. Elles n’en diffusent pas moins, par la même occasion, une petite musique insidieuse assimilant la religion et le dogme à l’idéologie et l’absence de réalisme. Pourquoi Didier Raoult, Fabrice Di Vizio ou Louis Fouché notamment, que bien des catholiques suivent avec intérêt, s’égarent-ils à qualifier la promotion du Remdesivir de « religion », la condamnation de l’hydroxychloroquine d’ »anathème » digne du concile du Trente, ou les positions du gouvernement de « dogmes » aussi indéfendables que celui de la conception virginale du Christ [5] ? Outre le fait de blesser inutilement des alliés défenseurs du réel et de la vie, cette maladresse sémantique entretient le postulat maçonnique selon lequel tout dogme serait par essence condamnable comme obstacle à la libre recherche de la vérité.

Ici n’est pas l’endroit pour rouvrir le dossier, complaisamment constitué à charge, de l’Inquisition. Contentons-nous de rappeler que pour les catholiques cohérents le dogme est un approfondissement et une sauvegarde de la vérité de foi. Ce n’est donc pas l’envahissement du dogme qui contribue aux malheurs de notre époque mais bien plus sa défaillance. En cela est manifestement fautive la hiérarchie catholique, qui, pour une large part, fuit depuis Vatican II sa responsabilité d’enseigner le Vrai pour se conformer à l’idéologie du moment [6]. Dieu jugera ! En attendant, que ces fiers défenseurs de la médecine et du droit ne se trompent pas de cible. Ce que l’idéologie a de commun avec la religion, c’est qu’elle « relie », mais non à la Vérité qui est Dieu, mais au Prince de ce monde refusant de servir l’Un pour asservir tous les autres.

L’abbé

« Ils sauront ce que c’est que me servir ou servir les royaumes de la terre »

NE PRIVEZ PAS LE MONDE DE VOTRE SOURIRE

 

Alors que l’Evangile de dimanche dernier nous parlait de guérison, celle du sourd-muet [1], l’Evangile de ce XIIe Dimanche après la Pentecôte visait plus particulièrement le soin, à travers la parabole du Bon Samaritain. Difficile de ne pas faire à nouveau des rapprochements avec ce que nous vivons depuis des mois où notre monde ne cesse de se déchirer autour du Covid-19 et des mesures à lui opposer.

Comme nous le montre le Bon Samaritain, le soin commence par l’attention bienveillante que l’on porte au malade. Contrairement au prêtre et au lévite, le Samaritain ne se détourne pas de cet homme en détresse, et lui prodigue les premiers soins. C’est sans doute bien imparfait, quelques bandages improvisés, du vin et de l’huile, mais cela soulage le blessé, au moins temporairement, ne serait-ce que par le réconfort de se voir secouru.

A l’époque, Juifs et Samaritains se haïssent cordialement : la « distanciation sociale » est absolue, l’autre est par nature un étranger voire un ennemi ; or, nous retrouvons quelque chose de cela aujourd’hui dans la psychose où l’on nous entretient sous prétexte de risque sanitaire. Notre situation est même bien plus grave car la peur du virus va jusqu’à ébranler les familles, les paroisses, les Etats : privation de contacts, absence de chaleur humaine, défiance de l’autre supposé nous donner la mort, culpabilisation des générations moins exposées etc. Et derrière cette orchestration de la peur, des fins mercantiles, politiciennes et criminelles désormais évidentes [2].

« Inutile » au fort de l’épidémie, de plus en plus obligatoire à mesure que celle-ci s’éteint, le masque devient le signe de soumission à cette tyrannie qui, sous couvert de santé publique, s’attaque aux ultimes fondements de la société naturelle, conformément à des principes managériaux maintes fois dénoncés [3].

Le port systématique et obligatoire du masque est d’autant plus violent pour les catholiques qu’il dissimule un des piliers de notre foi : l’Incarnation, Dieu assumant notre humanité et donc un visage. Celui-ci est l’objet d’une vénération universelle dont Notre-Dame est l’évidente initiatrice : les Nativités ou les Vierges à l’Enfant soulignent couramment cette mystérieuse fascination de la Mère et du Fils se contemplant mutuellement. Au-delà du rapport naturellement fusionnel de la femme avec son nouveau-né, la Sainte Vierge adorait, sous le voile de l’humanité qu’elle Lui avait transmise, le Créateur de toute chose. Quant à l’Enfant-Jésus, quand Sa nature humaine s’émerveillait du charme inégalable de Marie, Sa nature divine s’abîmait dans Sa propre contemplation, reflétée dans l’âme de Sa Mère comme dans un miroir sans tâche.

Le récit de la Visitation témoigne du zèle de Notre-Dame à soulager le prochain et du ravissement que sa seule voix pouvait faire naître même chez un enfant encore dans le sein de sa mère. Depuis son Assomption, la Sainte Vierge ne cesse de prodiguer réconfort, secours et guérison à ceux qui l’invoquent, comme sainte Thérèse encore enfant, guérie par le sourire de la Mère de Dieu. Au cœur des plus grandes difficultés, penser à cette Vierge admirable que Dieu s’est choisie et nous a donnée comme Mère soulage et rassérène.

Enfants de Marie, nous devons nous conformer toujours plus parfaitement au Christ, afin que la Sainte Trinité se laisse deviner dans notre visage, notre voix, notre regard, notre sourire. Nous devons être les reflets incarnés de l’Amour de Dieu pour tout homme, ce que le port du masque, hors de tout bon sens, contrarie dans une large mesure : bien des familles l’ont douloureusement éprouvé en ne pouvant sourire ou parler librement à leurs vieux parents reclus autoritairement dans leurs maisons de retraite. Et combien d’enfants ne seront-ils pas traumatisés de vivre ainsi baillonnés, sans pouvoir lire l’amour de leurs proches sur leurs visages ? Comment la peur et l’abattement ne pourraient-ils pas resserrer leur étreinte dans une telle atmosphère ?

Acte de charité envers le prochain et envers soi-même, témoignage de reconnaissance, de foi et d’espérance inébranlables, le sourire, et a fortiori le rire, sont également des armes redoutables, toujours disponibles, contre les entreprises des ténèbres. En l’occurrence, la gestion calamiteuse de l’épidémie en France et le désoeuvrement dû au confinement ont donné lieu à une profusion de montages aussi drôles que pertinents, tournant en dérision les sordides manigances du système [4]. Même le masque est détourné dans son aspect ou son usage pour devenir un mode de protestation individuelle voire d’appel à la résistance collective [5]. Le Gaulois réfractaire qui sommeille en tout français bien né n’a pas encore été définitivement éradiqué et aux quatre coins du monde, on espère qu’il prenne sa place dans la résistance à l’oppression mondialiste.

Force est hélas à nouveau de constater que l’on ne peut guère compter en général sur le clergé et les consacrés pour résister à la généralisation du masque [6], ne serait-ce qu’au choeur. Comment un prêtre peut-il se présenter devant Dieu, masqué ? Comment pourra-t-on également croire en son ministère de vérité, ministère « prophétique » comme on aime à le répéter aujourd’hui, s’il se laisse aussi docilement baillonner. De même, une religieuse en habit, qui bouleverse et réjouit tant les coeurs, une fois masquée, perd une bonne part de son rayonnement et s’assimile dangereusement à la musulmane en burqua. Ainsi, prêtres et consacrés devraient-ils être les premiers à résister à cette muselière et ce d’autant plus qu’ils ont moins à perdre que les laïcs : pas de situation, pas de famille à nourrir, pas de fortune etc. Les forces de l’ordre, qui pour la plupart préféreraient arrêter les malfrats que de houspiller les honnêtes gens, oseraient-elles verbaliser un religieux voire lui passer les menottes pour refus de port du masque ? Oserait-on le poursuivre en correctionnelle et le condamner ? Chiche ! Le gouvernement ne résisterait probablement pas au scandale médiatique qui en découlerait. Sans en arriver immédiatement à ces extrémités, il y a de multiples façons de manifester sa désapprobation, selon les circonstances et les tempéraments, mais l’Église doit montrer qu’elle n’est pas dupe de cette manipulation par la peur.

Parmi les laïcs, des catholiques lassés de voir leurs pasteurs plus dans leur dos qu’à leur tête, se rapprochent de tous ceux de bonne volonté ayant conservé quelque consistance. Sous la division entretenue par la peur, des initiatives plus profondes commencent à émerger et convergent par delà les frontières : recours contre la réglementation par des particuliers ou des commerçants [7], boycotts, manifestations [8], vidéos d’informations etc., avec une détermination et une ingéniosité qui réchauffent le coeur.

Résistons donc à la tyrannie de la peur, à la soumission aveugle à toute autorité apparente [9] : ne privons pas le monde de notre sourire et même de notre rire car les manigances cauchemardesques des ennemis irréductibles de Dieu et des hommes ne font que hâter le retour du Christ : leur fin est proche comme notre délivrance.

Et j’entendis du trône une forte voix qui disait : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu ». Et celui qui était assis sur le trône dit : « Voici, je fais toutes choses nouvelles ». Et il dit : « Ecris, car ces paroles sont certaines et véritables.… » (Apocalypse XXI, 4)

L’abbé

[1] Cf. Le Glaive de la Colombe, Covid-19, Bioéthique : simulacres et asservissements

[2] Ibidem note 5

[3] Cf. Le Glaive de la Colombe, « Vous avez fait de la maison de mon Père une maison de négoce »

[4] On se souviendra notamment des Goguettes ou des réquisitoires « en 4-4-2 » de Marcel D. : « Didier Raoult vs Karine Lacombe » ; « Didier Raoult, Agnès Buzyn / Yves Lévy et la chloroquine » ; « Cymès, Cohen, Ichou, Laurent Alexandre, Hausfater, Calvi… »

[5] Exemple de masques « alternatifs » sur le site de Quartier Libre TV

[6] Il existe bien évidemment des exceptions, comme notamment le « curé enragé » dans sa dernière vidéo du 22 août 2020 : « Dressage en cours : la Muselière et l’infanticide »

[7] Cf. notamment les nombreuses interventions, à la télévision ou sur internet, de Maître Carlo Alberto Brusa, Avocat à la Cour de Paris ou la chaine YouTube d’Ema Krusi – 21 août 2020 – Soutien à l’entreprise, comment aider ?

[8] Première manifestation anti-masque obligatoire à Paris le 29 août 2020, le même jour que la deuxième de Berlin après celle du 1er août qui avait réuni une foule considérable, probablement entre 500.000 et 1.000.000 de personnes.

[9] CfChaîne YouTube d’Ema Krusi – 28 août 2020 – Soumission à l’autorité médiatique

 

 

 

Ne privez pas le monde de votre sourire

« Dieu premier servi ! »

« Dieu premier servi ! »

 

Dimanche dernier, 3e Dimanche après Pâques, saint Pierre nous exhortait à nous soumettre à toute institution humaine [1], leçon que les successeurs actuels des Apôtres ont manifestement bien retenue. Ils ont malheureusement oublié que saint Pierre envisageait en l’espèce un pouvoir accomplissant son office temporel, « châtiant les malfaiteurs et approuvant les gens de biens » [2] et non pas, comme aujourd’hui en France, libérant les premiers [3], verbalisant et enfermant les seconds [4]. Et s’il advenait que l’obéissance aux hommes concurrence celle due à Dieu, l’enseignement apostolique est sans ambiguïté : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » [5].
Nous n’avons pas été les seuls à dénoncer l’attitude pitoyable de la Conférence des évêques de France (CEF) anticipant la suspension par l’Etat des messes en présence de fidèles [6] et ne s’opposant pas aux dangereuses évolutions juridiques que cela supposait [7].
Un confrère courageux a dans son homélie du même dimanche rapproché cette étrange attitude épiscopale de celle de la femme battue : l’Eglise a tant souffert en France depuis deux siècles, de persécutions en spoliations, qu’elle n’ose plus défendre ses droits les plus fondamentaux. Craignant toujours que sa situation n’empire, elle se résigne à être maltraitée avant d’être chassée impitoyablement [8].
Quoi qu’il en soit, ses propositions pour le déconfinement du 11 mai ouvertement méprisées, la CEF espérait encore obtenir d’un gouvernement sans foi ni loi la permission de célébrer publiquement pour la Pentecôte (31 mai). L’espoir a été de courte durée puisque le Premier Ministre a confirmé le renvoi de toute cérémonie publique à début juin, et encore si les français faisaient preuve entre-temps de « sens civique » (on appréciera la subtile pédagogie de la carotte et du bâton). La menace épiscopale d’ « aboyer très fort » (Monseigneur Aupetit) a donc fait long feu. Il fallait s’y attendre : chacun sait que « chien qui aboie ne mord pas ». Le mauvais génie de la démocratie-chrétienne veillait de toute façon au grain : « Que l’on se rassure : l’Église n’appelle pas à la désobéissance » (Erwan Le Morhedec) [9].
Se rassurer ? Les tortionnaires de la France craindraient-ils que les catholiques prennent enfin le mors aux dents ? Ils auraient raison de trembler car aussi débile soit-elle humainement dans ses périodes de décadences, l’Eglise conserve une dimension universelle et éternelle qu’aucun pouvoir terrestre ne saurait contenir, fondement inébranlable de résistance à toute oppression. De lignée divine et royale, l’Eglise est libre et ne se soumet au pouvoir temporel que par amour et obéissance à Dieu.
A ce titre, le légalisme républicain ne devrait pas avoir de prise absolue sur elle qui considère la loi « une ordination de la raison en vue du bien commun » [10] : une loi, même régulièrement promulguée, qui ne repose pas sur le vrai en vue du bien n’existe pas et n’a donc aucune autorité contraignante. Par ailleurs, il faut toujours garder à l’esprit que, pour l’Eglise, la loi suprême est le salut des âmes [11].
Le caractère calamiteux de la gestion de l’épidémie par le gouvernement depuis décembre dernier, avec son lot quotidien d’incompétence, de contradiction, de mensonge, de corruption et de cynisme, est désormais incontestable. En attendant que les responsables en répondent devant les urnes et les tribunaux, il est d’ores et déjà patent que la réglementation en ce domaine ne repose pas sur des données rationnelles et ne contribue pas plus au bien commun, ne serait-ce que par son enfermement dans une conception matérialiste de l’homme et de la société. Les catholiques n’ont pas à se considérer tenus par ce carcan juridique niant la part essentielle de leur être. Au nom de l’intérêt supérieur des âmes, ils n’ont aucune autorisation à demander au gouvernement pour se rendre dans leurs églises, prier, recevoir les sacrements [12] : aucune pétition, aucune supplique ; pas plus de « S’il vous plaît Monsieur Castaner » que de « merci Monsieur Philippe ». Il s’agit d’un droit imprescriptible que les catholiques tiennent de Dieu et dont ils exigent la garantie de l’État. Par ailleurs, du fait de sa longue expérience des épidémies, l’Eglise est parfaitement capable d’assurer sa mission tout en suivant des règles sanitaires conformes à la réalité du danger [13]. Le gouvernement est loin de pouvoir en dire autant mais le prétexte sanitaire lui permet de contenir encore la colère de la population accumulée contre lui.
De même, la veulerie des conférences épiscopales vis-à-vis de l’autorité civile [14] renvoie chaque évêque devant ses responsabilités individuelles de pasteur dont il rendra compte au final devant Dieu et peut-être plus tôt devant son propre troupeau [15]. Bien des fidèles sont scandalisés d’être ainsi privés des sacrements [16], leurs pasteurs les renvoyant souvent vers diverses animations sur le web dont le Cardinal Sarah a récemment souligné les dangers [17]. Des voix courageuses s’élèvent toutefois peu à peu et encore cette semaine à travers l’Appel pour l’Eglise et pour le monde lancé à l’initiative de Mgr Carlo Maria Viganò [18]. Nous verrons combien d’évêques, de prêtres et de fidèles de France soutiendront cette heureuse initiative, aussi perfectible soit-elle. Nous aimons voir derrière cette manifestation éclatante de combativité une intervention toute particulière de sainte Jeanne d’Arc privée de solennités religieuses et civiles l’année du centenaire de sa canonisation. Nous jurerions l’entendre du Ciel, menaçant nos assaillants comme autrefois les Anglais devant Orléans assiégée : « Faites raison au Roi du Ciel (…) et si vous ne le faites ainsi, de vos bien grands dommages qu’il vous souvienne sous peu » [19].

L’abbé

[1] 3e Dimanche après Pâques (1962), Epître, 1Pe II, 11-19 : « Soyez donc soumis à toute institution humaine, à cause de Dieu: soit au roi, comme au souverain, soit aux gouverneurs, comme étant envoyés par lui pour châtier les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien. »
[2] Ibidem
[3] Xavier RAUFER : « Taubira en rêvait, Belloubet l’a fait », Site Ma France, 16 avril 2020 comprenant un entretien de Xavier Raufer par Boulevard Voltaire
[4] LADEPECHE.fr 24 avril 2020 : Confinement : « 915 000 PV, 15,5 millions de contrôles » annonce Christophe Castaner
[5] Actes des Apôtres, IV, 19 ; V, 28-30
[6] Le Glaive de la Colombe – 11 avril 2020 – « Qui voudra sauver sa vie la perdra ! » ; Christophe EOCHE-DUVAL, Quelles conditions légales pour un déconfinement des cultes ?, dans France Catholique.fr, 27 avril 2020 (C’est nous qui soulignons) : « En France, un article du code de la santé publique issu de l’alerte du SRAS en 2004 a été dans un premier temps activé (article L. 3131-1, par décret du 16 mars 2020), puis modernisé par la loi du 23 mars 2020 : c’est le nouvel article L. 3131-15. Sur la base du premier moyen d’action, l’interdiction des cultes aurait été très fragile devant un juge. C’est d’ailleurs ce qui explique que les interdictions par arrêté des 4 mars, 9 mars et 13 mars de rassemblement de plus de 5000, plus de 1000 puis plus de 100 personnes sont muets sur les cultes et ne les interdisent pas sous réserve de cette jauge ; c’est pourquoi aussi les autorités sanitaires ont elles compté davantage sur les autorités religieuses pour restreindre de leur propre chef les cultes (la CEF, par ex., anticipe par communiqué le 17 mars les interdictions légales des cultes, qui n’interviendront que par décret du 23 mars 2020). »
[7] Christophe EOCHE-DUVAL, ibidem. (C’est nous qui soulignons) : « Tout évolue à compter de la loi d’urgence sanitaire. La modernisation et l’amplification de « l’arme anti covid19 » du code de la santé publique donnent une base légale très difficile à surmonter pour les cultes, à travers un biais qui est une forme de changement de paradigme juridique. La nouvelle loi accorde des pouvoirs étendus pour restreindre la liberté d’aller et venir et pour « ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité », etc. Avec ce nouveau texte de loi, la singularité, constitutionnellement protégée, du lieu de culte comme de l’exercice collective du culte en son sein se noie dans une liberté plus absorbante, plus neutre, la liberté « de réunion » ou de « rassemblement », qui, en espace intérieur, est régie par le droit commun des « établissements recevant du public » au sens du code de la construction et de l’habitation.
[8] Sermon du Père Benoit JULLIEN DE POMEROL, curé de Saint-Louis des Français de Lisbonne, le 3 mai 2020 à 11h sur l’antenne de la French Radio Portugal
[9] Erwan LE MORHEDEC, « Libres et responsables », chronique du 5 mai 2020 dans lavie.fr
[10] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia-IIae, Q. 90
[11] Code de Droit Canonique (1983), can. 1752 : « en observant l’équité canonique et sans perdre de vue le salut des âmes qui doit toujours être dans l’Église la loi suprême »
[12] Dans cet esprit, cf. notamment Stéphanie BIGNON, « Où est passée notre faim ? », Site Terre & Famille – 30 avril 2020
[13] Sur le recul annoncé de l’épidémie et l’adaptation des mesures en conséquence cf. notamment l’avis du Dr Delépine en deuxième partie de l’émission Interdit d’interdire « Déconfinement : le gouvernement en fait-il trop ou pas assez ? » sur RTFrance – 5 mai 2020
[14] Pour la situation italienne, très comparable à celle de la France, cf. Le blog de Jeanne Smits – 30 avril 2020 – « Eglises confinées : Mgr Vigano appelle à mettre fin au délire de toute puissance de l’autorité civile »
[15] Ibidem
[16] Sur la suspension des messes en présence de fidèles par les évêques, cf. Cardinal MÜLLER, « Aucun évêque n’a le droit d’interdire la messe avec le peuple. », Le Salon Beige – 7 mai 2020
[17] Cardinal Robert SARAH, « Covid-19 et culte chrétien » dans l’Homme Nouveau, 8 mai 2020
[18] Le Salon Beige – 7 mai 2020 : Des évêques et cardinaux lancent un “Appel pour l’Eglise et pour le monde aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté” ; Appel pour l’Eglise et pour le monde aux fidèles Catholiques et aux hommes de bonne volonté.
[19] Lettre de Jeanne d’Arc aux Anglais – 22 mars 1429

Le glaive de la Colombe

 

             “Ne pleurez pas sur moi mais sur vous et vos enfants”

Qu’il soit accidentel ou criminel, l’incendie de Notre-Dame de Paris fut, si ce n’est voulu, du moins permis par Dieu. Compte tenu du calendrier liturgique, le parallèle de ce drame avec la Passion du Christ est évident et ne peut que nous rappeler à la prière et à la pénitence. En effet, le Seigneur ne change pas et l’Ecriture sainte nous enseigne qu’Il laisse profaner ou détruire Son temple lorsque Son peuple oublie ou s’enorgueillit des bienfaits qu’Il lui a Seul et gratuitement prodigués.

Aussi patient soit-Il, le Bon Dieu pouvait-Il rester indifférent à l’exploitation mercantile d’un sanctuaire édifié à Sa gloire et à celle de Sa Mère, par un Etat spoliateur toujours plus ouvertement hostile à Sa loi ? Pouvait-Il davantage supporter le manque d’abandon à la Providence voire la vénalité de Son clergé rechignant à retenir le flot de touristes le temps de célébrer la Sainte Messe ? Et comment ne pouvait-Il pas châtier ce Paris, ville mondiale plus que capitale nationale, plus soucieux du regard de l’étranger que des souffrances de son pays devenu « périphérique » ? Un Paris narcissique s’étant tout naturellement reconnu en « Jupiter »[1] adhérant ainsi, plus ou moins consciemment, à la liquidation programmée de la France.

Il ne faut en effet pas se leurrer : Macron, Hidalgo et consorts ne pleurent sur Notre-Dame de Paris que pour la manne touristique qu’elle suscite. Quatorze millions de touristes qui ne viendront plus consommer aussi largement à Paris si on ne restaure pas la cathédrale dans les meilleurs délais. Et l’échéance fixée est par elle-même éloquente : cinq ans, juste le temps qui nous sépare des Jeux Olympiques et de leurs retombées économiques supposées. De même ne faut-il pas s’étonner que les Pinault, Arnault et autres Bettencourt se soient immédiatement disputé la première place des mécènes de la cathédrale : ils savent combien leur image est liée à celle de Paris, le Paris du Bon Marché [2], non celui du trottoir d’en face au 140 rue du Bac [3].

Le traitement médiatique de l’événement s’inscrit dans cette même stratégie où les marchands du temple espèrent communiquer leur désarroi à la France entière, en vue de soutirer [4] quelques compensations pécuniaires au bas peuple. Car enfin, aussi douloureux que soit le spectacle de la cathédrale de Paris en flammes, au nom de quoi celle-ci deviendrait-elle brusquement la mère de toutes les cathédrales et églises de France ? L’image de la France ne se résume pas, contrairement à ce que l’on a pu entendre ces derniers jours, à trois monuments parisiens : le Louvre, Notre-Dame et la tour Eiffel [5] . Chartres notamment, par ses dimensions, son programme iconographique et sa collection de vitraux est bien aussi belle que la cathédrale de Paris. Et que dire de celles d’Amiens, de Metz, de Bourges, de Strasbourg ou d’Albi, comme d’un sanctuaire aussi emblématique que le Mont Saint-Michel ? On m’objectera que Notre-Dame de Paris fut également le témoin de grands événements de l’histoire de France, ce qui est parfaitement exact, mais le sacre des rois à Reims vaut bien celui de Napoléon Ier. Le reste n’est que littérature…

Avec l’incendie de sa cathédrale, la ville mondiale est rappelée à la dure réalité : depuis des années l’héritage catholique de la « France périphérique » est abandonné, vandalisé, voire détruit dans l’indifférence quasi-générale des puissants qui nous gouvernent depuis une capitale devenue le « village Potemkine » du tourisme culturel français. Touché moins au coeur qu’au portefeuille, Paris voit désormais exposées en pleine lumière ses prostitutions, reflets des misères de son pays.

Pour beaucoup, la chute de la flèche de Notre-Dame sonna comme un avertissement. En cette Semaine sainte, on ne pouvait penser qu’à celui du Christ aux femmes se lamentant sur son sort : « Ne pleurez pas sur moi mais sur vous et vos enfants ! » (Luc, XXIII, 28). A l’image de la cathédrale de Paris, la France apostate est assaillie jusqu’en son coeur par les flammes de l’enfer et menace de s’effondrer. Ses séducteurs d’hier la vendent aujourd’hui au plus offrant mais elle n’est probablement pas encore tombée assez bas pour implorer le secours du Seigneur.

Celui-ci vient pourtant lui manifester Sa sollicitude dans l’épreuve, l’exhortant à Le suivre dans Sa Passion jusqu’à la Croix victorieuse. Comment interpréter autrement l’étonnant spectacle de cette croix d’or souverainement dressée au milieu des décombres noircis, dominant l’autel du Voeu également épargné par les flammes ? Telle doit être aux yeux de Dieu la spécificité toute spirituelle de Notre-Dame de Paris : c’est en son sein que la France fut solennellement consacrée à la Sainte Vierge. Telle est la seule voie de restauration de notre pays signifiée par l’incendie de la cathédrale, car « si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs ; si le Seigneur ne garde la cité, en vain veille celui qui la garde » (Ps. CXXVI, 1).

L’abbé

https://leglaivedelacolombe.fr/

 

[1] Au second tour des Présidentielles 2017, E. Macron remporta avec 78,72% des voix les sept départements de la région Ile-de-France et les 20 arrondissements de Paris (où il culmina à 89,68%) qui lui avait déjà donné au premier tour son meilleur score de tous les départements français. Quatre des cinq départements « les plus Macron » se situaient alors en Ile-de-France (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne et Seine-Saint-Denis).
[2] BFM TV (17 avril 2019), Emmanuel Le Chypre (éditorialiste BFM Business) dans BFM Story à 17h18 : « Evidemment qu’il y a un calcul intéressé derrière ces dons. Le calcul c’est de dire aujourd’hui un événement a ému le monde entier : s’associer à la reconstruction – vous avez des clients, des consommateurs qui cherchent du sens, qui veulent de la valeur – quelque part c’est valorisant. Et même vos salariés, ils veulent bosser dans une entreprise qui donne du sens à ce qui est fait »
[3] Adresse de la chapelle de la Médaille miraculeuse, lieu d’apparitions de la Sainte Vierge à sainte Catherine Labouré en 1830
[4] Soutirer : « obtenir quelque chose de quelqu’un par une adroite insistance » (Larousse)
[5] BFM TV (17 avril 2019), Juan Branco dans BFM Story à 17h19 : « Il y a trois bâtiments en France qui nous incarnent : c’est le Louvre, c’est Notre-Dame et disons la tour Eiffel ».