Catholique des racines à la cime

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 A subir depuis trop longtemps leurs beaux discours sur les racines de la France, on viendrait à se demander si les essayistes, « communicants », et autres ambitieux qui aspirent à nous gouverner ont une quelconque connaissance de la nature dans toute sa réalité concrète.

On pourrait en douter lorsqu’ils nous peignent doctement un arbre aux racines d’essences différentes : la France aurait ainsi des racines chrétiennes (et même judéo-chrétiennes), celtiques, grecques, romaines, scandinaves voire arabo-musulmanes. On ne s’étonnera pas que cet étrange végétal paraisse comme cultivé en laboratoire, baignant sans doute dans une solution nutritive artificielle. Comment expliquer autrement que l’on puisse si bien détailler ses racines tout en se désintéressant de la terre qui l’aurait accueilli ? Bref, la France enracinée que l’on nous propose ne semble qu’une monstrueuse abstraction, modulable à l’envi. L’intérêt de ce « machin » ne serait-il pas de légitimer en France différentes « spiritualités » dont on pourrait éventuellement discuter de la prééminence de l’une sur les autres, pourvu que le débat restât confiné à l’héritage historique, à la dimension « culturelle et non cultuelle », c’est-à-dire sans grandes conséquences politiques concrètes ? Car quelles que soient la nature et la vigueur des racines, celles-ci ne sauraient contrarier, si elles n’y contribuent pas, l’élévation de la France « républicaine » avec la « laïcité » pour religion, la maçonnerie pour clergé et l’avortement de masse pour immolation quotidienne.

Dieu préserve notre terre de France de ce genre d’organismes génétiquement modifiés ! Car la France est plus qu’un arbre, c’est un écosystème : un arbre catholique des racines à la cime, planté dans un humus complexe, et s’épanouissant dans une lumière et sous un climat proprement providentiels.

Parler de racines catholiques, et non judéo-chrétiennes, de la France c’est distinguer la foi apostolique de celle-ci de doctrines postérieures qui lui sont par essence opposées : le judaïsme rabbinique et le protestantisme. Ce dernier est d’ailleurs si tardif qu’il ne peut être une « racine » mais une branche séparée de son tronc multiséculaire et condamnée dès lors au dessèchement.

Si l’héritage judaïque du catholicisme est indéniable, on ne peut non plus contester que cette religion venue d’Orient a su trouver en Occident une terre particulièrement propice à son développement. Les nostalgiques de l’Antiquité païenne pourraient regretter que cette semence « étrangère » soit tombée dans leur jardin mais force est de constater que, malgré tous ses efforts, le paganisme européen n’a pu empêcher que l’arbre prenne de l’ampleur. Les échanges entre la plante et son milieu sont désormais établis depuis trop longtemps pour être remis en cause.

L’arbre est le lien entre la terre et le ciel. Il synthétise la lumière et purifie l’air, favorise les pluies qui irriguent la terre et protège celle-ci de l’érosion. S’il tire de la terre les éléments qui lui sont nécessaires, il ne l’épuise pas car il produit l’essentiel de sa matière de la lumière et de l’air : il rend palpable l’impalpable. Il en enrichit même l’humus par les fruits et les feuilles qu’il répand, par la profusion de vie que suscite sa présence. Ainsi, comme une merveilleuse « agroforesterie spirituelle », culturelle parce que cultuelle, le catholicisme a-t-il tiré de l’humus païen ce qu’il avait de meilleur, s’y enracinant si profondément qu’il en a révélé des richesses qui sans lui seraient restées insoupçonnées, inaccessibles, infécondes. Il suffit de voir pour s’en convaincre comment le catholicisme sut puiser dans la littérature et la métaphysique antiques pour nourrir sa liturgie et sa théologie ; comment à l’inverse les mystères de la sainte Trinité, de l’Incarnation, de la Transsubstantiation élevèrent la philosophie antique bien au-delà de ses cloisonnements propres. Prôner le retour au paganisme européen suppose nier cette harmonie millénaire et comme on ne peut ramener le chêne à l’état de gland, il faudrait l’arracher, ce qui tuerait l’arbre et exposerait une terre, qui en fait n’est plus aussi païenne qu’autrefois, à être lessivée par les intempéries et desséchée par l’ardeur du soleil jusqu’à la stérilité définitive.

L’on m’objectera que cette religion n’est pas de « chez nous », que le dieu chrétien est le dieu des Hébreux, pas celui des Européens, celtes, grecs ou romains ; mais ce n’est pas comprendre ce qui distingue fondamentalement le catholicisme, religion incarnée, de ces formes de néo-paganisme, religion « identitaire ». C’est ne pas distinguer ce que j’appellerais « la religion de la filiation (divine) », « la religion du Sang » qu’est le catholicisme, de ces multiples « religions du  sol », se reconnaissant mutuellement dans un parfait relativisme, pourvu que chacune restât sur son territoire supposé historique. Reconnaître des dieux propres à chaque territoire, c’est penser que ce sont les peuples qui se créent leurs dieux alors que la Bible nous révèle au contraire que c’est Dieu qui se constitue son peuple, un peuple tiré de la descendance d’Abraham et de toutes les nations (Apocalypse, VII, 4-9 : Et j’entendis le nombre de ceux qui avaient été marqués du sceau [de Dieu] : cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des enfants d’Israël, étaient marqués du sceau…Après cela, je vis une grande multitude, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue…).

En effet, Dieu n’est pas plus hébreu, qu’européen ou chinois. Il est le Tout Autre. Il échappe totalement à ce monde parce qu’Il en est le Créateur. Il est hors de la Création mais Il s’est révélé à nouveau à elle, après la Chute, par le peuple hébreu. Accomplissement définitif du judaïsme, le christianisme a ensuite propagé la Révélation dans le monde entier, pénétrant chaque culture locale pour la purifier, l’élever, la sanctifier et étendre ainsi la multitude des enfants de Dieu, tout en respectant l’identité naturelle de chacun. C’est ainsi que ce Dieu qui adopta les traits d’un Juif de Palestine voici 2000 ans, assume depuis diverses représentations à travers le monde selon les spécificités locales compatibles avec la foi : Il est juif avec les Juifs, grec avec les Grecs, chinois avec les Chinois, tout en demeurant le seul Seigneur de tous, le Père des adorateurs en esprit et en vérité (Jean, IV, 23).

Annoncez sa gloire parmi les nations, ses merveilles parmi les peuples.

Car le Seigneur est grand et infiniment louable ; il est plus redoutable que tous les dieux.

Car tous les dieux des nations sont des démons ; mais le Seigneur a fait les cieux.

(Psaume XCV, 3-5)

L’abbé

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