“Ne pleurez pas sur moi mais sur vous et vos enfants”
Qu’il soit accidentel ou criminel, l’incendie de Notre-Dame de Paris fut, si ce n’est voulu, du moins permis par Dieu. Compte tenu du calendrier liturgique, le parallèle de ce drame avec la Passion du Christ est évident et ne peut que nous rappeler à la prière et à la pénitence. En effet, le Seigneur ne change pas et l’Ecriture sainte nous enseigne qu’Il laisse profaner ou détruire Son temple lorsque Son peuple oublie ou s’enorgueillit des bienfaits qu’Il lui a Seul et gratuitement prodigués.
Aussi patient soit-Il, le Bon Dieu pouvait-Il rester indifférent à l’exploitation mercantile d’un sanctuaire édifié à Sa gloire et à celle de Sa Mère, par un Etat spoliateur toujours plus ouvertement hostile à Sa loi ? Pouvait-Il davantage supporter le manque d’abandon à la Providence voire la vénalité de Son clergé rechignant à retenir le flot de touristes le temps de célébrer la Sainte Messe ? Et comment ne pouvait-Il pas châtier ce Paris, ville mondiale plus que capitale nationale, plus soucieux du regard de l’étranger que des souffrances de son pays devenu « périphérique » ? Un Paris narcissique s’étant tout naturellement reconnu en « Jupiter »[1] adhérant ainsi, plus ou moins consciemment, à la liquidation programmée de la France.
Il ne faut en effet pas se leurrer : Macron, Hidalgo et consorts ne pleurent sur Notre-Dame de Paris que pour la manne touristique qu’elle suscite. Quatorze millions de touristes qui ne viendront plus consommer aussi largement à Paris si on ne restaure pas la cathédrale dans les meilleurs délais. Et l’échéance fixée est par elle-même éloquente : cinq ans, juste le temps qui nous sépare des Jeux Olympiques et de leurs retombées économiques supposées. De même ne faut-il pas s’étonner que les Pinault, Arnault et autres Bettencourt se soient immédiatement disputé la première place des mécènes de la cathédrale : ils savent combien leur image est liée à celle de Paris, le Paris du Bon Marché [2], non celui du trottoir d’en face au 140 rue du Bac [3].
Le traitement médiatique de l’événement s’inscrit dans cette même stratégie où les marchands du temple espèrent communiquer leur désarroi à la France entière, en vue de soutirer [4] quelques compensations pécuniaires au bas peuple. Car enfin, aussi douloureux que soit le spectacle de la cathédrale de Paris en flammes, au nom de quoi celle-ci deviendrait-elle brusquement la mère de toutes les cathédrales et églises de France ? L’image de la France ne se résume pas, contrairement à ce que l’on a pu entendre ces derniers jours, à trois monuments parisiens : le Louvre, Notre-Dame et la tour Eiffel [5] . Chartres notamment, par ses dimensions, son programme iconographique et sa collection de vitraux est bien aussi belle que la cathédrale de Paris. Et que dire de celles d’Amiens, de Metz, de Bourges, de Strasbourg ou d’Albi, comme d’un sanctuaire aussi emblématique que le Mont Saint-Michel ? On m’objectera que Notre-Dame de Paris fut également le témoin de grands événements de l’histoire de France, ce qui est parfaitement exact, mais le sacre des rois à Reims vaut bien celui de Napoléon Ier. Le reste n’est que littérature…
Avec l’incendie de sa cathédrale, la ville mondiale est rappelée à la dure réalité : depuis des années l’héritage catholique de la « France périphérique » est abandonné, vandalisé, voire détruit dans l’indifférence quasi-générale des puissants qui nous gouvernent depuis une capitale devenue le « village Potemkine » du tourisme culturel français. Touché moins au coeur qu’au portefeuille, Paris voit désormais exposées en pleine lumière ses prostitutions, reflets des misères de son pays.
Pour beaucoup, la chute de la flèche de Notre-Dame sonna comme un avertissement. En cette Semaine sainte, on ne pouvait penser qu’à celui du Christ aux femmes se lamentant sur son sort : « Ne pleurez pas sur moi mais sur vous et vos enfants ! » (Luc, XXIII, 28). A l’image de la cathédrale de Paris, la France apostate est assaillie jusqu’en son coeur par les flammes de l’enfer et menace de s’effondrer. Ses séducteurs d’hier la vendent aujourd’hui au plus offrant mais elle n’est probablement pas encore tombée assez bas pour implorer le secours du Seigneur.
Celui-ci vient pourtant lui manifester Sa sollicitude dans l’épreuve, l’exhortant à Le suivre dans Sa Passion jusqu’à la Croix victorieuse. Comment interpréter autrement l’étonnant spectacle de cette croix d’or souverainement dressée au milieu des décombres noircis, dominant l’autel du Voeu également épargné par les flammes ? Telle doit être aux yeux de Dieu la spécificité toute spirituelle de Notre-Dame de Paris : c’est en son sein que la France fut solennellement consacrée à la Sainte Vierge. Telle est la seule voie de restauration de notre pays signifiée par l’incendie de la cathédrale, car « si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs ; si le Seigneur ne garde la cité, en vain veille celui qui la garde » (Ps. CXXVI, 1).
L’abbé
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[1] Au second tour des Présidentielles 2017, E. Macron remporta avec 78,72% des voix les sept départements de la région Ile-de-France et les 20 arrondissements de Paris (où il culmina à 89,68%) qui lui avait déjà donné au premier tour son meilleur score de tous les départements français. Quatre des cinq départements « les plus Macron » se situaient alors en Ile-de-France (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne et Seine-Saint-Denis).
[2] BFM TV (17 avril 2019), Emmanuel Le Chypre (éditorialiste BFM Business) dans BFM Story à 17h18 : « Evidemment qu’il y a un calcul intéressé derrière ces dons. Le calcul c’est de dire aujourd’hui un événement a ému le monde entier : s’associer à la reconstruction – vous avez des clients, des consommateurs qui cherchent du sens, qui veulent de la valeur – quelque part c’est valorisant. Et même vos salariés, ils veulent bosser dans une entreprise qui donne du sens à ce qui est fait »
[3] Adresse de la chapelle de la Médaille miraculeuse, lieu d’apparitions de la Sainte Vierge à sainte Catherine Labouré en 1830
[4] Soutirer : « obtenir quelque chose de quelqu’un par une adroite insistance » (Larousse)
[5] BFM TV (17 avril 2019), Juan Branco dans BFM Story à 17h19 : « Il y a trois bâtiments en France qui nous incarnent : c’est le Louvre, c’est Notre-Dame et disons la tour Eiffel ».