La Tradition par Véronique Lévy

Ecce Ancilla Domini… La Tradition relie, la Tradition se souvient, la Tradition est mémoire vive d’amour éprise, la Tradition est pulpe de la Foi, elle en est la chair et cette chair est une oeuvre, une oeuvre d’unité.
Les « modernes »jouent aux jeunes premiers et ils la moquent, ils la cachent, honteux d’avoir une cousine aux jupes grises et rapiécées comme celles de la cousine Bette… Mais la Tradition n’est pas une vieille fille honteuse et stérile, elle ne rase pas les murs, elle est vierge mais féconde comme la Mère enfant de Nazareth… Et elle est nue. Elle est la perle de l’église… elle est l’Eglise née du Coeur transpercé de l’Amour s’écoulant du faite de l’Arbre de la Vie… recueillie dans le oui infini de Marie s’épanchant dans le silence de Jean… le Voile s’est déchiré sur le Ciel Ouvert où montent et descendent les Anges… La Tradition est une perle mais c’est un Oui d’enfant, le Oui émerveillé, le Oui de l’éblouissement des naissances sans retour… le Oui d’innocence bondissante d’une attente cognant aux portes du Ciel… La Tradition est cette petite clef si simple qu’on ne la voie pas… Il n’y a que les pharisiens pour l’ignorer, il n’y a que les docteurs de la loi consensuels pour la mépriser, il n’y a que les grands prêtres de la mort pour la moquer.
La Tradition n’est pas cette cousine Bette au regard terne… Elle est la source silencieuse s’égrenant, cachée, au coeur dévasté de l’Eglise en déroute… Elle n’est pas le coffre-fort de dogmes poussiéreux et d’une liturgie de musée, elle n’est pas la vitrine des curiosités antiques… Elle est la sève secrète d’un Coeur Donné, d’Un Corps Donné, d’Un Sang versé au Sacrifice de tous les sacrifices… pour que cessent tous les sacrifices et que ne demeure que l’amour en l’AMOUR.
Cendrillon espère le Roi et la parure de Sa sandale de vair… La Belle au Bois dort au secret de Son Coeur… La Tradition guette sur les remparts la poussière qui poudroit et l’herbe qui verdoit… elle chante : »Anne, ma soeur Anne , ne vois-tu rien venir? » J’attends le Seigneur des Seigneurs qui ouvrira le temps, qui mettra fin au monde pour le transfigurer dans Son Royaume où les petits seront les princes et les proscrits les rois… J’attends le Jour de Son Retour.
Et je suis là, prisonnière de ces modernes qui ont pour dieu leur ventre, un horizon de satisfaits, un bonheur triste de repus.
Ils croient apprivoiser la Vie.
Ils spéculent les lois d’une relativité en éventail pour repousser la Vérité toute crue du Verbe de l’éternité. Ici et maintenant Il S’éveille… Suis-Le !
Moi, murmure la Tradition, je suis l’enfant qui plante sa tente au Ciel de Sa Béatitude, dans les tranchées, dans les épidémies, dans les blessures, je vois Sa Face Qui me sourit… Je hais la douleur où Il n’est pas, et la joie n’est pas la joie s’Il n’y rit pas… Douleur d’amour n’est pas douleur mais naissance vive au fil de Sa Parole… Traverser toutes les mers et je les passe au fil de Son Amour.
« Qui regarde vers Lui resplendira sans ombre ni trouble au visage »… là est ma beauté, elle est la Sienne…. elle est l’extase, cette pure perte en Son armée désarmée des armées de Sa Lumière, traîne enveloppant les grappes de chérubins incandescents prêts pour le Combat au Glaive de Sa Justice. Epée de feu. Epée de la haine. Mais Haïr c’est trancher les liens me retenant captive hors de Son Jour. Je ne suis pas ancienne mais éternelle, née du Verbe dans l’infini Retour au Baiser Trinitaire.
Je suis la Tradition, petite épouse fidèle dont la foi est battement de Son Coeur.
Je relie la nuit au jour et le jour à la nuit, le Ciel aux abîmes… j’ouvre tous les horizons à Son éternité… Qu’elle traverse le pont du temps perdu et nous fouette de Sa lumière. Béatitude! La Croix est la Voie, écartelant l’utile en pure perte, en pur Don.
Pardon.
Pardon.
Et Par delà tout don.
Ecce Ancilla Domini