Journal de bord d’une française en Italie, épisode n°3

…Deux ou trois jours plus tard, un dimanche, je me rendis à la même église, pour une messe du soir. Le prêtre qui officiait était Don Fabio, homme élégant toujours vêtu d’une soutane.
Il débuta son sermon par une réflexion d’ordre général sur le sacré et le profane dans les religions anciennes. Le sacré, c’est ce que l’on ne touche pas, c’est ce que l’on tient à part, ce qui est réservé. Le profane, c’est le reste, la vie quotidienne, ce qui relève du banal voire de la saleté. Le profane et le sacré ne se mélangent pas. On ne peut pénétrer le domaine du sacré sans avoir soi-même été consacré. Pénétrer le sacré en étant impur, ce serait profaner. Seuls les prêtres sont autorisés à côtoyer le sacré. Tout cela est clair, les choses sont bien distinctes. Le ciel et la terre sont des réalités bien séparées, et l’ordre de l’univers ne se maintient que dans cette stricte séparation. Cela, c’était avant Jésus-Christ, nous dit Don Fabio.
Le Christ introduisit en effet un nouveau baptême, une nouvelle conception des choses. Il n’y avait plus de séparation entre sacré et profane, car Dieu lui-même s’était fait homme. Le baptême, la vie même, n’était pas une rupture mais un passage. C’est quelque chose que l’on traverse pour en sortir complètement transformé. Il faut s’immerger dans la vie et dans ses souffrances pour s’unir au Christ et ressusciter avec lui. Il ne s’agit plus de séparer les êtres ou les choses entre ce qui est propre et ce qui est sale. Ainsi, dit Don Fabio à toute cette assemblée de fidèles masqués et éloignés autant que possible les uns des autres, la logique de la vie spirituelle est l’inverse exact de ce que nous préconisent aujourd’hui les gouvernements pour faire face à cette maladie. Ce n’est pas la « distanciation » qui nous sauvera, mais l’immersion, le contact, la traversée de toute la vie avec toutes ses épreuves.
Au moment du « geste de paix », supprimé jusque-là dans la liturgie post-covid, Don Fabio réitéra son message baptismal et demanda que l’on ose s’adresser quelque regard de paix. Beaucoup en furent surpris. J’en fus profondément soulagée. Du moins, c’était un début de prise de conscience…
Et Don Fabio récidiva quelques jours plus tard : « on ne vit pas dans un bunker, (répété 3 fois!). Si Dieu plante sa tente parmi nous, qu’il n’a pas peur de la précarité, alors nous ne devons pas imaginer non plus qu’en se planquant chez soi avec tout son petit confort nous sommes protégés de tout. Dieu ne veut pas la planque! »
Une française en Italie