Pour notre temps, Gustave Thibon dans « Paysages du Vivarais »

Là est le gage unique de notre espérance. Le passé est mort, l’éternel demeure. Et cette nature qui ne change pas sera plus forte que l’homme changeant : la terre fidèle, après la crise qui nous tourmente, refera des paysans comme elle refait des fleurs après l’hiver. Ce qu’ils seront, je l’ignore : je sais seulement qu’ils garderont du passé tout ce que le passé contenait d’immortel, qu’ils seront les fils de la terre nourricière, et que le lait de cette mamelle intarissable neutralisera tôt ou tard les poisons sécrétés par la fièvre du siècle. Notre seul refuge contre l’angoisse dont s’accompagne l’agonie de notre civilisation est de savoir qu’il existe, au fond des choses, une nécessité immuable qu’on ne peut pas violer trop longtemps sans mourir et qui, à travers toutes les convulsions de l’histoire, finit toujours par ramener dans son orbite l’humanité égarée. Ce n’est pas en l’homme que nous croyons, car il est des heures où l’homme, aveugle et rebelle, ne peut plus être sauvé que malgré lui ; c’est dans ces lois intangibles de la création, que Dieu a placées comme un garde-fou au bord du néant qui nous fascine. Si grands que soient ses ravages, le mal est toujours fini parce qu’il procède de l’homme éphémère, mais le bien si étouffé qu’il paraisse, est infini parce qu’il descend du Dieu éternel. Il n’est pas permis de désespérer de l’avenir quand on croit à l’éternité.