Les Caryatides interrogent Stéphanie Bignon

Revaloriser la France rurale et la paysannerie par Stéphanie Bignon – Paris – 2 février 2019

Quelques questions pour vous présenter brièvement :

– Comment s’est inscrite votre volonté de devenir agricultrice (ou paysanne, selon vos termes) en plus de votre métier d’ingénieur ?
Il n’y a pas de pays sans paysans, il n’y a pas de souveraineté sans souveraineté alimentaire pour commencer. Un pays dirigé dans l’ignorance ou le mépris de ces évidences est un pays dirigé par des fous ou des gangsters.
Après avoir beaucoup voyagé pour mon métier d’ingénieur, j’ai compris combien notre pays était exceptionnellement gâté par la nature et son histoire. J’ai réalisé combien nous pouvions perdre avec la « standardisation globale » qui fait rage et j’ai réalisé la nécessité absolue de lui résister. Vivre sur sa terre et de sa terre en bonne intelligence avec ses voisins me semblait ce que nous pouvions infliger de pire au système. Cet Etat financier, exécutant docile d’ordres venant d’instances supranationales, s’immisce partout dans nos affaires et nous rend tous les jours plus dépendants, piétinant sauvagement toute liberté.
Nous devons reconquérir cette liberté et le point de départ me semble naturellement « la terre ». Les outils politiques à notre disposition sont les 34000 communes de France encore existantes qui représentent potentiellement autant de points de résistance à l’Etat asservi par la finance et à l’Europe des technocrates. Terre et Famille invite tous ceux qui veulent agir concrètement à participer aux élections municipales de 2020, véritable et seule échéance démocratique. Commençons dès maintenant par assister aux réunions de conseil municipal de nos villages, villes et arrondissements, reprenons possession de nos affaires partout.

– Quel a été votre déclic pour rentrer dans le combat spirituel et politique à forces égales ?
Charles Maurras disait « tout est politique » et chaque jour je constate combien il avait raison. Sur le plan de l’intendance de la cité tout dépend de la volonté politique d’un peuple incarnée par son chef. Mais cette volonté est arrimée à l’autorité du chef.
Etymologiquement, autorité signifie « faire grandir, élever ». Il faut donc bien que cette autorité qui accomplit cette volonté politique soit elle même suspendue à quelque chose de supérieur. Pour permettre l’ascension de tous, il faut que cette volonté politique soit orientée verticalement, spirituellement, orientée vers le bien commun, « le Chemin, la Vérité, la Vie ».

Pouvez-vous nous parler de la création de Terre et Famille et de sa contribution au réveil du peuple français ?
Terre et Famille est née le 8 décembre 2014 alors que je venais d’être élue adjointe au Maire de mon village, Briant (71). Je me suis alors pleinement rendue compte des marges de manœuvre qui nous restaient sur la plan local. Terre et Famille a été conçue pour appeler chacun, selon ses moyens, à la reconstruction spirituelle, politique et économique de nos terroirs.

Sur l’enracinement :

– Pourquoi s’enraciner pour s’élever ?
Pourquoi s’enraciner ? Pour se nourrir de tout ce qui nous a fait, non pas par conservatisme ou passéisme mais pour continuer à construire sur des fondations solides, pour s’élever.
Pourquoi s’élever ? Parce qu’il nous est, en tant qu’être humain, aussi indispensable de nous élever pour vivre que de boire et manger.

– Quelles alternatives prendre dans nos campagnes face à la mondialisation ?
Nos campagnes nous laissent encore un reliquat d’autonomie. Il faut en profiter non seulement pour le conserver mais pour agir partout et ensemble pour regagner du terrain en défendant nos libertés et nos particularités locales. Avoir des poules, un potager…, un réseau d’amis pour organiser, structurer empiriquement des actions, des formations… A Briant, nous avons commencé par faire revivre le cœur de notre village qui est indéniablement l’église, en y récitant le chapelet une fois par mois.

– Quels conseils donneriez-vous aujourd’hui aux femmes qui souhaitent s’ancrer dans le local et à leur humble niveau agir pour la défense de la paysannerie française ?
Les femmes ont un rôle fondamental à condition que nous retrouvions la féminité. Le mépris pour la femme dans le code civil de Cambacérès (1814) a provoqué en réaction le féminisme revanchard qui en voulant faire de la femme « un homme comme les autres » méprisa, à son tour, la féminité.
Notre rôle de femme est de peser de tout notre poids pour ralentir la course effrénée vers la possession et le pouvoir. Nous devons rappeler que l’essentiel c’est la vie et que toutes nos actions n’ont de sens qu’à son service. C’est notre vocation, nous devons redevenir des arches du temps long, de la gratuité, en un mot, des arches de charité.

Sur l’actualité des Gilets Jaunes :

– Comment percevez-vous le mouvement des gilets jaunes ? Du point de vue agricole voyez-vous une évolution positive de la crise en faveur de la paysannerie française ?
La vocation paysanne comme la vocation féminine ont été les premières victimes de ce monde de vitesse, d’efficacité et de profit à tous crins. Les Gilets Jaunes rassemblent tout ceux qui aujourd’hui réalisent, plus ou moins consciemment, la nocivité du système dans lequel nous vivons. Ce mouvement est une poussée de fièvre en réaction à une infection grave. La France réagit pour se débarrasser d’un corps étranger, la finance internationale qui nous parasite tous à mort.
Les familles, les petites communes rurales, les paysans, les artisans, les PME seront les grands bénéficiaires de la chute de ce système dont la crise des Gilets Jaunes marque le début.