Source : La Lettre de Paix liturgique, lettre 927bis du 23 Mars 2023
A l’occasion des funérailles très émouvantes de l’abbé Cyril Gordien, prêtre du diocèse de Paris, dans l’église Saint-Pierre-de-Montrouge archi-comble, le 20 mars, tous les assistants, fidèles (1700), prêtres (150), évêques (NNSS Ulrich, Aupetit, Castet, Rougé, Marsset, Verny), ont trouvé à leur place un fascicule de 36 pages : Abbé Cyril Gordien Mon testament spirituel. Prêtre au cœur de la souffrance. Nous en publions ici de larges extraits, et on pourra en lire l’intégralité sur le site de Famille chrétienne : Le testament spirituel de l’abbé Cyril Gordien » (famillechretienne.fr)
Il n’est pas douteux que l’abbé Gordien avait rédigé ces pages, à la fin de la maladie qui le conduisait à la mort, dans l’intention qu’elles soient diffusées, comme le montre le ton de témoignage public. Il est également clair que les organisateurs de la cérémonie ont voulu répondre à la volonté testamentaire de leur ami en provoquant une sorte d’électrochoc spirituel et ecclésial par l’édition et la distribution de ce testament, qui est, pas seulement, mais notamment, le cri d’un prêtre qui a souffert par les hommes d’Église.
Né en 1974, l’abbé Gordien est mort le 14 mars 2023, avant d’avoir atteint ses 49 ans, d’un cancer foudroyant qui avait été diagnostiqué il y a un an, en mars 2022.
D’une famille très catholique du Sud-Ouest, il était devenu prêtre du diocèse de Paris en 2005, et avait exercé des ministères en divers lieux, notamment comme aumônier de lycée (en dernier lieu, à Notre-Dame de France), aumônier national des Scouts et Guides d’Europe, chargé de l’accueil des vocations dans le diocèse, et pour finir, curé de la paroisse Saint-Dominique depuis septembre 2019.
Portant la soutane, comme le font aujourd’hui un certain nombre de « jeunes » prêtres du diocèse de Paris et d’autres diocèses, connu pour sa prédication spirituelle et très orthodoxe, organisateur dans sa paroisse d’une adoration perpétuelle, adepte d’une liturgie « soignée », selon le qualificatif consacré, célébrant volontiers face au Seigneur dans une chapelle de son église (comme l’évoque le dessin de la couverture du livret de la messe d’obsèques), et même plus que cela puisqu’avant que ne tombe Traditionis custodes, il s’apprêtait à instaurer une messe traditionnelle pour les jeunes, le mercredi, à Saint-Dominique.
Comme beaucoup de prêtres du diocèse de Paris de sa sensibilité, il a bénéficié des bons soins spirituels de l’Opus Dei, qui organise pour eux des retraites et sessions sacerdotales (il était d’ailleurs membre de la Société sacerdotale de la Sainte-Croix, lié de la sorte de façon externe à l’Opus Dei).
Très attentif à discerner des vocations sacerdotales et religieuses, il avait été délégué diocésain aux vocations de 2019 à 2022, date à laquelle, durant la vacance du siège de Paris après la démission de Mgr Aupetit, il avait été démis de sa charge du jour au lendemain par Mgr Marsset, évêque auxiliaire, avec l’aval de Mgr Pontier, administrateur, ce qui fut pour lui un choc très brutal un mois avant l’annonce de son cancer. Certes, les vocations sacerdotales qu’il amenait vers le séminaire de Paris – en baisse sensible comme dans la plupart des diocèses – étaient de sensibilité très conservatrice, ce qui n’avait pas l’heur de plaire aux autorités diocésaines, mais cela est vrai aujourd’hui de l’immense majorité des vocations qui se présentent encore dans les séminaires de France.
Très courageusement, durant la crise du Covid, il a conservé son église ouverte, a fait en sorte de toujours célébrer des messes accessibles, ce qui lui valut des déboires avec sa hiérarchie, sous prétexte qu’il ne respectait pas les « précautions sanitaires ». Et on peut le dire aujourd’hui, pour son éloge posthume : il a même célébré des mariages durant la période où ils étaient scandaleusement interdits par l’État Républicain et la hiérarchie catholique.
L’abbé Cyril Gordien était donc une figure emblématique des « nouveaux prêtres ». La foule considérable assistant à ses obsèques (aussi classiques que possible, avec kyriale des défunts, prière eucharistique I, mais hélas sous forme d’une méga-concélébration de presque tous les prêtres présents) montre à quel point les prêtres de ce type répondent à une sensibilité qui est en passe de devenir dominante chez les catholiques encore pratiquants, d’une militance plus visible, attachés à la morale familiale, défenseurs de la vie, adeptes d’une prédication doctrinale
Le texte bouleversant qu’il a rédigé est celui d’un saint prêtre, très attaché à ses devoirs sacerdotaux. Ses références sont celles des prêtres de sa sensibilité : Jean-Paul II, Benoît XVI. Pas un mot, en revanche n’est dit de François. Il était dévot de José María Escrivá de Balaguer, du Curé d’Ars, et marqué par le Journal d’un curé de Campagne, de Bernanos, comme on l’apprend par une citation discrète : « Je ne prie pas assez pour ce que je souffre », écrit-il, évoquant le curé de Torcy qui dit au curé d’Ambricourt dans le Journal : « Tu ne pries pas assez. Tu souffres trop pour ce que tu pries, voilà mon idée. »
MON TESTAMENT SPIRITUEL – PRÊTRE AU CŒUR DE LA SOUFFRANCE
ABBE CYRIL GORDIEN
ITINÉRAIRE SPIRITUEL
C’est par une immense action de grâce lancée à notre Seigneur que je voudrais débuter ces quelques lignes de méditation. Oui, je rends grâce à mon Dieu pour la foi que j’ai reçue dans mon enfance, une foi solide et pure, une foi qui n’a jamais failli malgré les nombreuses épreuves de la vie, une foi que mes chers parents m’ont transmise dans la fidélité et l’amour vrai de l’Église. Je rends grâce au Seigneur pour la famille unie dans laquelle je suis né, et pour tout l’amour que mes parents et mes frères m’ont prodigué. J’ai eu une enfance très heureuse, marquée par l’exemple que donnait mon père, exemple de don de soi dans son métier de chirurgien et de fidélité dans la pratique religieuse.
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Je rends grâce au Seigneur pour m’avoir appelé au sacerdoce, moi, son indigne serviteur. Lorsque j’ai ressenti cet appel au fond de mon cœur, il m’a rempli d’une joie indicible, et simultanément d’une crainte pleine de respect pour le Seigneur : pourquoi moi, qui me sens si indigne et si incapable d’assumer une telle charge et une si grande mission ? Mon chemin vers le sacerdoce, au séminaire, fut à la fois joyeux et douloureux. Joyeux, par les grâces reçues, lesquelles m’ont toujours conforté dans ma vocation, et par tout ce que j’ai reçu à travers la formation ; douloureux, aussi, par des épreuves et souffrances venant de l’Église.
Je n’ai jamais trahi les convictions qui m’animaient, malgré les persécutions inévitables. J’ai toujours résisté, combattu et lutté quand je sentais que les mensonges, la médiocrité, ou la perversité étaient à l’œuvre. Cela m’a valu des coups reçus et des brimades, mais je ne regrette pas ces combats menés avec conviction. Le plus dur est de souffrir par l’Église.
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J’ai été nommé au bout de deux ans à la chapelle Notre Dame du Saint Sacrement, rue Cortambert. Mon apostolat s’est entièrement déployé auprès des jeunes, que ce soit dans les lycées où j’étais aumônier ou bien à la chapelle avec toutes les activités proposées. Ce furent des moments heureux et plein de joie au milieu de tous ces jeunes qui avaient soif d’une parole vraie et exigeante. Je n’ai hélas pas toujours rencontré le soutien escompté des responsables locaux (communauté des sœurs, conseil pastoral…), ayant sans cesse à subir des blocages dans les initiatives liturgiques et pastorales. Que de combats à mener !
En septembre 2013, je fus nommé dans une paroisse voisine, Notre Dame de l’Assomption. C’est alors que survint l’affaire Gerson, en avril 2014, sur laquelle je ne m’étendrai pas. Je voudrais simplement confier que cette affaire fut fomentée de toute pièce par des parents d’élèves et des professeurs ne supportant pas l’impulsion religieuse déployée dans l’établissement. Dans ce combat, nous n’avons été soutenus ni par la direction diocésaine, qui alimentait la crise, ni par le diocèse. Je n’ai jamais été consulté pour donner mon avis sur la manière dont je percevais les choses de l’intérieur. Cette crise fut éprouvante, mais nous l’avons surmontée grâce à notre unité et nos convictions. J’ai encore constaté à cette occasion à quel point nos responsables ne prenaient pas soin des prêtres.
Les six années passées à l’Assomption furent des années de grand bonheur : j’étais profondément heureux dans les missions auprès des jeunes, et nous étions très unis avec les prêtres, dans une ambiance joyeuse et fraternelle. Ce furent des années de grâces. Je remercie en particulier le Père de Menthière qui fut pour moi un modèle de curé et un ami. Je tiens ici à dire combien l’amitié sacerdotale est importante dans la vie du prêtre. J’ai de très bons amis prêtres, depuis le séminaire, et nous nous rencontrons régulièrement. La société sacerdotale de la Sainte Croix, dont je fais partie, m’assure aussi du soutien et de l’amitié de nombreux prêtres.
Puis je fus nommé en septembre 2019 curé de la paroisse saint Dominique, dans le XIVe, quartier que je connaissais bien, ayant vécu trois ans chez mon grand-père, porte d’Orléans. Première paroisse comme curé : sa paroisse on l’aime, on s’émerveille, on se donne. Je me suis tout de suite engagé dans l’apostolat auprès des jeunes, qui me semblait quelque peu délaissé. J’ai entrepris peut-être trop vite des changements, notamment liturgiques, qui s’imposaient, sans prendre suffisamment le temps d’expliquer.
Puis la crise du coronavirus est survenue. En mars 2020, six mois à peine après mon arrivée, la vie est paralysée. Je me retrouve totalement seul au presbytère et dans l’église, chacun étant parti se confiner ailleurs. Pour moi, une évidence s’impose : je ne peux pas célébrer la messe pour moi tout seul, en m’enfermant pour me protéger… Je ne suis pas prêtre pour moi, privant les fidèles des sacrements. Je décide de laisser l’église ouverte, toute la journée, et de célébrer la messe dans l’église, en exposant auparavant le Saint-Sacrement, me tenant disponible pour les confessions. Je n’ai prévenu personne, mais les fidèles sont venus d’eux-mêmes. J’assume pleinement ce choix, et ne le regrette en rien. Certains, partis en villégiature à la campagne, me l’ont reproché à distance. D’autres, à leur retour des confinements, m’ont fait de vifs reproches. Il est facile de critiquer quand on passe plusieurs semaines au soleil, en dehors de Paris…
Cette crise révèle un drame de notre époque : on veut protéger son corps pour préserver sa vie, fût-ce au détriment des relations personnelles et de l’amour donné jusqu’au bout. On veut sauver son corps au détriment de son âme. Que vaut une société qui privilégie de manière absolue la santé du corps, laissant des personnes mourir dans une solitude effroyable, les privant de la présence de leurs proches ? Que vaut une société qui en vient à interdire le culte rendu au Seigneur ?
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PRÊTRE DE JÉSUS-CHRIST
Le sacerdoce a été toute ma vie. Je n’ai jamais regretté un seul instant d’avoir répondu oui au Seigneur qui m’a comblé de ses grâces à travers mon ministère. Quel don inestimable que celui d’être prêtre de Jésus- Christ ! Quelle grâce ineffable ! Chaque jour, célébrer la sainte Messe fut un immense bonheur. Je mesure à peine le cadeau que le Seigneur m’a fait de pouvoir tenir dans mes pauvres mains son divin corps, et de lui prêter ma voix et mon humanité blessée afin qu’il puisse se rendre sacramentellement présent. Je vais à la sainte Messe en montant sur le Golgotha, conscient que le drame du salut s’est déroulé sur cette colline. Je recueille dans mon calice le précieux sang qui coule du cœur transpercé, ce sang sauveur qui coulait déjà à Gethsémani. C’est en transpirant des gouttes de sang que notre Seigneur Jésus a prononcé le grand oui à la volonté de son Père et qu’il a accepté d’offrir sa vie en sacrifice pour le salut de tous les hommes.
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Arrivé comme curé dans ma paroisse en septembre 2019, j’ai eu le sentiment que beaucoup de belles choses se vivaient, mais surtout de manière horizontale. Même si une réelle vie de prière était présente, je percevais qu’il manquait une dimension verticale, transcendante, une dimension qui permettrait de tout supporter pour harnacher à Dieu l’ensemble de la vie paroissiale. C’est pourquoi j’ai eu la conviction qu’il fallait se lancer dans l’adoration permanente du Saint Sacrement. Sans l’appui indéfectible d’un fidèle couple de paroissiens dont la foi est un roc et l’engagement sans faille, je n’y serais jamais parvenu.
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Le Curé d’Ars est pour moi un modèle et un guide dans mon sacerdoce. Lorsque j’étais étudiant, et que je réfléchissais à la vocation, j’ai lu avec passion sa biographie écrite par Mgr. Trochu. Cette vie entièrement donnée, dans l’oubli total de soi, pour le salut des âmes, m’a bouleversé. Il fut un apôtre infatigable de la miséricorde de Dieu.
La confession, avec la Messe, est au cœur de la vie du prêtre. Transmettre le Pardon de Dieu à travers le sacrement est une grâce extraordinaire. Qui suis-je, moi, pauvre homme, pour dire à quelqu’un : « et moi je vous pardonne tous vos péchés… ». Quelle immense joie que d’être le témoin de la miséricorde du Seigneur ! Le sacrement du pardon réjouit bien sûr le pénitent : arrivé avec un visage triste, portant le poids de ses péchés, il repart le cœur léger et purifié et la mine réjouie par l’amour de Dieu. Le sacrement suscite aussi la joie du prêtre : quel bonheur de permettre à une personne d’être libérée de ses péchés et de repartir le cœur en paix ! Ce sacrement entraîne aussi la joie du Seigneur, il réjouit le cœur de Dieu ! « Il y a plus de joie dans le Ciel pour un seul pécheur qui se convertit… ».
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Parmi mes grandes joies sacerdotales, il y a la joie de l’apostolat auprès des jeunes. J’ai eu la chance, dans mes divers apostolats, d’avoir à accompagner beaucoup de jeunes : à travers le scoutisme, notamment comme conseiller religieux national des guides et scouts d’Europe ; comme aumônier de collèges et lycées ; comme prêtre de paroisse, en fondant un groupe Even ; en organisant et accompagnant de nombreux pèlerinages, aux JMJ, en Terre Sainte, en France…
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L’ÉPREUVE DE LA MALADIE
Lorsque j’ai appris que j’étais atteint d’un cancer, en mars 2022, cela ne m’a pas vraiment surpris. J’avais l’intuition que quelque chose de grave se produirait et que je mourrai jeune.
Mystère de la souffrance… J’ai eu la confirmation qu’il n’y avait pas de guérison possible pour mon cancer. La médecine peut simplement contenir relativement l’évolution de ce cancer au stade 4. Pour combien de temps ? Combien de mois me reste-t-il à vivre ? Moi qui ai souvent médité sur la mort, accompagné des mourants, célébré des funérailles, exhorté à l’espérance de la vie éternelle, me voici maintenant confronté à ma propre mort, à 48 ans. Je veux me préparer avec foi à cet instant décisif. Je n’ai pas peur de la mort, car je crois de tout mon être en la vie éternelle ; mais je crains mon Seigneur, d’une crainte pleine de respect et d’amour. « Je sais que mon Rédempteur est vivant », comme le professe Job. Je sais que mon Seigneur m’attend. Je sais aussi que je vais comparaitre devant le Christ, et je dois me préparer à paraître face à Lui, humblement. Je reconnais mes péchés, mes nombreux péchés. Et j’implore pour moi la grande miséricorde de Dieu. Comme je suis indigne d’avoir été choisi pour devenir prêtre….
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Je ne prie pas assez pour ce que je souffre. Personne ne peut imaginer ce que j’endure depuis le mois de mars 2022 où tout a basculé. Comme il est difficile de porter sa croix, chaque jour… Je porte discrètement ces souffrances quotidiennes, ces humiliations cachées, ces blessures du corps qui font mal jusque dans les réalités de la vie quotidienne. J’essaye d’assumer, de ne rien montrer. Je désire accomplir au mieux, autant que je peux, ma mission de curé à travers les tria munera (les trois charges), en particulier dans la célébration quotidienne du sacrifice de la Messe. Je m’unis de tout mon être au Christ qui donne sa vie sur la Croix. En prononçant les saintes paroles, « ceci est mon corps livré pour vous », je pense aussi à mon pauvre corps qui souffre et que je désire livrer pour le salut des âmes.
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LA PURIFICATION PAR LA SOUFFRANCE
Je vis un chemin de croix quotidien. Notre Seigneur désire certainement me purifier, m’unir à ses souffrances. Je ne comprends pas encore bien pourquoi je dois vivre tout cela. Je crie souvent vers le Seigneur, je pleure aussi, parfois. L’épreuve est lourde. Je ne me rebelle pas contre Dieu, mais j’ose crier, comme les psalmistes. Le cri de l’âme qui souffre est aussi une prière. Notre Seigneur Jésus a crié vers son Père, au moment de mourir : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
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A l’intérieur de l’Église, des loups se sont introduits. Ce sont des prêtres, et même parfois des évêques, qui ne cherchent pas le bien et le salut des âmes, mais qui désirent d’abord la réalisation de leurs propres intérêts, comme la réussite d’une « pseudo-carrière ». Alors ils sont prêts à tout : céder à la pensée dominante, pactiser avec certains lobbies comme les LGBT, renoncer à la doctrine de la vraie foi pour s’adapter à l’air du temps, mentir pour parvenir à leurs fins. J’ai rencontré ce genre de loups déguisés en bons pasteurs, et j’ai souffert par l’Église. Dans les différentes crises que j’ai traversées, je me suis rendu compte que les autorités ne prenaient pas soin des prêtres et les défendaient rarement, prenant fait et cause pour des récriminations de laïcs progressistes en mal de pouvoir et voulant une liturgie plate dans une auto-célébration de l’assemblée. Comme prêtre, pasteur et guide des brebis qui vous sont confiées, si vous décidez de soigner la liturgie pour honorer notre Seigneur et lui rendre un culte véritable, il est peu probable que vous soyez soutenu en haut lieu face aux laïcs qui se plaignent.
Aujourd’hui, je veux offrir mes souffrances pour l’Église, pour ma paroisse, pour les vocations. Toutes les vocations : sacerdotales, religieuses, maritales. Je demande au Seigneur la force de pardonner à ceux qui m’ont persécuté, et le courage d’avancer en portant ces croix de chaque jour. Comme Zachée, pour voir le Christ, il nous faut monter sur un arbre, l’arbre de la Croix. « Stat crux dum volvitur orbis » – « la croix demeure tandis que le monde tourne » : telle est la devise des Chartreux. Au milieu des changements et des troubles de ce monde, demeure plantée sur notre terre de manière stable, comme le signe de notre foi, la croix de notre Sauveur.
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LA SAINTE VIERGE MARIE
« Comment ai-je ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » s’interroge Elizabeth (Lc 1, 43). Et je m’émerveille aussi devant la présence de Marie dans ma vie.
La Vierge Marie a toujours été présente dans ma vie, depuis mon enfance jusqu’à aujourd’hui. C’est elle qui m’a guidé vers le sacerdoce, m’encourageant avec confiance, malgré le sentiment de mon indignité et de mon incapacité. Je me souviens avec émotion de ce moment de grâce où, dans une petite chapelle située sur la colline de Vézelay, Marie m’a comme pris par la main pour me rassurer et me lancer dans le chemin vers le sacerdoce. La sainte Vierge m’a toujours protégé, et consolé. Dans tous les moments d’épreuves que j’ai connus, dans toutes ces situations humaines qui semblaient perdues, je me suis toujours confié à Marie, réfugié sous son manteau blanc immaculé, placé sous sa protection. J’ai toujours éprouvé dans ces moments d’abandon une grâce de consolation, avec la certitude que Marie veillait, qu’elle était là, vigilante et protectrice. Je n’ai jamais été déçu ni abandonné par elle. Je voudrais témoigner combien la prière à Marie est source de grâces. La sainte Vierge ne nous retient pas contre elle, mais elle nous conduit vers son divin Fils, elle nous apprend, comme une mère, à le connaître et à l’aimer.
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À la grotte de Massabielle, où je me suis rendu tant et tant de fois, j’ai demandé à Notre Dame de Lourdes de m’aider à vouloir ce que Dieu veut pour moi. Cette grotte est pour moi un refuge, un lieu saint, un rocher sur lequel s’appuyer pour reprendre des forces. La source d’eau vive qui coule au fond de la grotte est la fontaine de grâces que la sainte Vierge désire nous donner.
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LE BON COMBAT
Le bon combat est celui de la foi : garder la foi et transmettre la foi, dans la fidélité à la tradition de l’Église. Ma foi, aujourd’hui, est celle des patriarches, des prophètes, des apôtres, des saints et des saintes qui nous précèdent et qui nous ont transmis ce trésor de la foi au vrai Dieu. Au long des siècles de l’histoire de l’Église, que de sang versé, de souffrances subies, de persécutions violentes pour protéger et transmettre la foi !
Le bon combat, c’est celui qui consiste à rester fidèle aux promesses de son baptême, à lutter pour demeurer uni au Seigneur Jésus, à vivre en chrétien, à garder ses convictions. C’est un combat de chaque jour, car le démon ne cesse de tenter de nous détourner de Dieu. Le bon combat, c’est celui de la fidélité au Christ, fidélité qui se gagne chaque jour à travers les devoirs de la vie chrétienne : la prière quotidienne, la messe dominicale, la confession régulière, la lutte contre tel ou tel péché qui revient sans cesse. Il y a des chrétiens héroïques qui se battent chaque jour pour terrasser un péché qui empoisonne leur vie. Ces combats de l’ombre, dans les secrets de la vie, sont autant de petites victoires remportées contre le Prince des ténèbres.
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« LE MOMENT DE MON DÉPART EST VENU »
« Moi, en effet, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. » (2 Tm 4, 6.7)
Voici près d’un an que je combats contre ce cancer. Un an de lutte acharnée, de souffrances quotidiennes, de diverses hospitalisations. Un an de chimiothérapies endurées toutes les deux semaines. Je sens bien que mon corps s’affaiblit, et que le cancer gagne du terrain. « Mais l’on ne se bat pas dans l’espoir du succès, non, non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! » (Cyrano de Bergerac).
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Je me prépare donc à paraître devant mon Seigneur. J’ai confiance, car comme l’écrivait Benoit XVI, le Seigneur est à la fois mon juge et mon avocat : « Bientôt, je serai face au juge ultime de ma vie. Même si, en regardant ma longue vie, j’ai beaucoup de raisons d’avoir peur et d’être effrayé, j’ai néanmoins l’âme joyeuse, car j’ai la ferme conviction que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste, mais en même temps l’ami et le frère qui a lui-même souffert de mes défauts et qui, par conséquent, en tant que juge, est également mon avocat. » (Benoît XVI).