Dimanche dernier, 3e Dimanche après Pâques, saint Pierre nous exhortait à nous soumettre à toute institution humaine [1], leçon que les successeurs actuels des Apôtres ont manifestement bien retenue. Ils ont malheureusement oublié que saint Pierre envisageait en l’espèce un pouvoir accomplissant son office temporel, « châtiant les malfaiteurs et approuvant les gens de biens » [2] et non pas, comme aujourd’hui en France, libérant les premiers [3], verbalisant et enfermant les seconds [4]. Et s’il advenait que l’obéissance aux hommes concurrence celle due à Dieu, l’enseignement apostolique est sans ambiguïté : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » [5].
Nous n’avons pas été les seuls à dénoncer l’attitude pitoyable de la Conférence des évêques de France (CEF) anticipant la suspension par l’Etat des messes en présence de fidèles [6] et ne s’opposant pas aux dangereuses évolutions juridiques que cela supposait [7].
Un confrère courageux a dans son homélie du même dimanche rapproché cette étrange attitude épiscopale de celle de la femme battue : l’Eglise a tant souffert en France depuis deux siècles, de persécutions en spoliations, qu’elle n’ose plus défendre ses droits les plus fondamentaux. Craignant toujours que sa situation n’empire, elle se résigne à être maltraitée avant d’être chassée impitoyablement [8].
Quoi qu’il en soit, ses propositions pour le déconfinement du 11 mai ouvertement méprisées, la CEF espérait encore obtenir d’un gouvernement sans foi ni loi la permission de célébrer publiquement pour la Pentecôte (31 mai). L’espoir a été de courte durée puisque le Premier Ministre a confirmé le renvoi de toute cérémonie publique à début juin, et encore si les français faisaient preuve entre-temps de « sens civique » (on appréciera la subtile pédagogie de la carotte et du bâton). La menace épiscopale d’ « aboyer très fort » (Monseigneur Aupetit) a donc fait long feu. Il fallait s’y attendre : chacun sait que « chien qui aboie ne mord pas ». Le mauvais génie de la démocratie-chrétienne veillait de toute façon au grain : « Que l’on se rassure : l’Église n’appelle pas à la désobéissance » (Erwan Le Morhedec) [9].
Se rassurer ? Les tortionnaires de la France craindraient-ils que les catholiques prennent enfin le mors aux dents ? Ils auraient raison de trembler car aussi débile soit-elle humainement dans ses périodes de décadences, l’Eglise conserve une dimension universelle et éternelle qu’aucun pouvoir terrestre ne saurait contenir, fondement inébranlable de résistance à toute oppression. De lignée divine et royale, l’Eglise est libre et ne se soumet au pouvoir temporel que par amour et obéissance à Dieu.
A ce titre, le légalisme républicain ne devrait pas avoir de prise absolue sur elle qui considère la loi « une ordination de la raison en vue du bien commun » [10] : une loi, même régulièrement promulguée, qui ne repose pas sur le vrai en vue du bien n’existe pas et n’a donc aucune autorité contraignante. Par ailleurs, il faut toujours garder à l’esprit que, pour l’Eglise, la loi suprême est le salut des âmes [11].
Le caractère calamiteux de la gestion de l’épidémie par le gouvernement depuis décembre dernier, avec son lot quotidien d’incompétence, de contradiction, de mensonge, de corruption et de cynisme, est désormais incontestable. En attendant que les responsables en répondent devant les urnes et les tribunaux, il est d’ores et déjà patent que la réglementation en ce domaine ne repose pas sur des données rationnelles et ne contribue pas plus au bien commun, ne serait-ce que par son enfermement dans une conception matérialiste de l’homme et de la société. Les catholiques n’ont pas à se considérer tenus par ce carcan juridique niant la part essentielle de leur être. Au nom de l’intérêt supérieur des âmes, ils n’ont aucune autorisation à demander au gouvernement pour se rendre dans leurs églises, prier, recevoir les sacrements [12] : aucune pétition, aucune supplique ; pas plus de « S’il vous plaît Monsieur Castaner » que de « merci Monsieur Philippe ». Il s’agit d’un droit imprescriptible que les catholiques tiennent de Dieu et dont ils exigent la garantie de l’État. Par ailleurs, du fait de sa longue expérience des épidémies, l’Eglise est parfaitement capable d’assurer sa mission tout en suivant des règles sanitaires conformes à la réalité du danger [13]. Le gouvernement est loin de pouvoir en dire autant mais le prétexte sanitaire lui permet de contenir encore la colère de la population accumulée contre lui.
De même, la veulerie des conférences épiscopales vis-à-vis de l’autorité civile [14] renvoie chaque évêque devant ses responsabilités individuelles de pasteur dont il rendra compte au final devant Dieu et peut-être plus tôt devant son propre troupeau [15]. Bien des fidèles sont scandalisés d’être ainsi privés des sacrements [16], leurs pasteurs les renvoyant souvent vers diverses animations sur le web dont le Cardinal Sarah a récemment souligné les dangers [17]. Des voix courageuses s’élèvent toutefois peu à peu et encore cette semaine à travers l’Appel pour l’Eglise et pour le monde lancé à l’initiative de Mgr Carlo Maria Viganò [18]. Nous verrons combien d’évêques, de prêtres et de fidèles de France soutiendront cette heureuse initiative, aussi perfectible soit-elle. Nous aimons voir derrière cette manifestation éclatante de combativité une intervention toute particulière de sainte Jeanne d’Arc privée de solennités religieuses et civiles l’année du centenaire de sa canonisation. Nous jurerions l’entendre du Ciel, menaçant nos assaillants comme autrefois les Anglais devant Orléans assiégée : « Faites raison au Roi du Ciel (…) et si vous ne le faites ainsi, de vos bien grands dommages qu’il vous souvienne sous peu » [19].
L’abbé
[1] 3e Dimanche après Pâques (1962), Epître, 1Pe II, 11-19 : « Soyez donc soumis à toute institution humaine, à cause de Dieu: soit au roi, comme au souverain, soit aux gouverneurs, comme étant envoyés par lui pour châtier les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien. »
[2] Ibidem
[3] Xavier RAUFER : « Taubira en rêvait, Belloubet l’a fait », Site Ma France, 16 avril 2020 comprenant un entretien de Xavier Raufer par Boulevard Voltaire
[4] LADEPECHE.fr 24 avril 2020 : Confinement : « 915 000 PV, 15,5 millions de contrôles » annonce Christophe Castaner
[5] Actes des Apôtres, IV, 19 ; V, 28-30
[6] Le Glaive de la Colombe – 11 avril 2020 – « Qui voudra sauver sa vie la perdra ! » ; Christophe EOCHE-DUVAL, Quelles conditions légales pour un déconfinement des cultes ?, dans France Catholique.fr, 27 avril 2020 (C’est nous qui soulignons) : « En France, un article du code de la santé publique issu de l’alerte du SRAS en 2004 a été dans un premier temps activé (article L. 3131-1, par décret du 16 mars 2020), puis modernisé par la loi du 23 mars 2020 : c’est le nouvel article L. 3131-15. Sur la base du premier moyen d’action, l’interdiction des cultes aurait été très fragile devant un juge. C’est d’ailleurs ce qui explique que les interdictions par arrêté des 4 mars, 9 mars et 13 mars de rassemblement de plus de 5000, plus de 1000 puis plus de 100 personnes sont muets sur les cultes et ne les interdisent pas sous réserve de cette jauge ; c’est pourquoi aussi les autorités sanitaires ont elles compté davantage sur les autorités religieuses pour restreindre de leur propre chef les cultes (la CEF, par ex., anticipe par communiqué le 17 mars les interdictions légales des cultes, qui n’interviendront que par décret du 23 mars 2020). »
[7] Christophe EOCHE-DUVAL, ibidem. (C’est nous qui soulignons) : « Tout évolue à compter de la loi d’urgence sanitaire. La modernisation et l’amplification de « l’arme anti covid19 » du code de la santé publique donnent une base légale très difficile à surmonter pour les cultes, à travers un biais qui est une forme de changement de paradigme juridique. La nouvelle loi accorde des pouvoirs étendus pour restreindre la liberté d’aller et venir et pour « ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité », etc. Avec ce nouveau texte de loi, la singularité, constitutionnellement protégée, du lieu de culte comme de l’exercice collective du culte en son sein se noie dans une liberté plus absorbante, plus neutre, la liberté « de réunion » ou de « rassemblement », qui, en espace intérieur, est régie par le droit commun des « établissements recevant du public » au sens du code de la construction et de l’habitation.
[8] Sermon du Père Benoit JULLIEN DE POMEROL, curé de Saint-Louis des Français de Lisbonne, le 3 mai 2020 à 11h sur l’antenne de la French Radio Portugal
[9] Erwan LE MORHEDEC, « Libres et responsables », chronique du 5 mai 2020 dans lavie.fr
[10] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia-IIae, Q. 90
[11] Code de Droit Canonique (1983), can. 1752 : « en observant l’équité canonique et sans perdre de vue le salut des âmes qui doit toujours être dans l’Église la loi suprême »
[12] Dans cet esprit, cf. notamment Stéphanie BIGNON, « Où est passée notre faim ? », Site Terre & Famille – 30 avril 2020
[13] Sur le recul annoncé de l’épidémie et l’adaptation des mesures en conséquence cf. notamment l’avis du Dr Delépine en deuxième partie de l’émission Interdit d’interdire « Déconfinement : le gouvernement en fait-il trop ou pas assez ? » sur RTFrance – 5 mai 2020
[14] Pour la situation italienne, très comparable à celle de la France, cf. Le blog de Jeanne Smits – 30 avril 2020 – « Eglises confinées : Mgr Vigano appelle à mettre fin au délire de toute puissance de l’autorité civile »
[15] Ibidem
[16] Sur la suspension des messes en présence de fidèles par les évêques, cf. Cardinal MÜLLER, « Aucun évêque n’a le droit d’interdire la messe avec le peuple. », Le Salon Beige – 7 mai 2020
[17] Cardinal Robert SARAH, « Covid-19 et culte chrétien » dans l’Homme Nouveau, 8 mai 2020
[18] Le Salon Beige – 7 mai 2020 : Des évêques et cardinaux lancent un “Appel pour l’Eglise et pour le monde aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté” ; Appel pour l’Eglise et pour le monde aux fidèles Catholiques et aux hommes de bonne volonté.
[19] Lettre de Jeanne d’Arc aux Anglais – 22 mars 1429