Il est de nos jours encore de bon ton d’opposer l’Ancien et le Nouveau Testaments, l’Ancienne et la Nouvelle Alliances, le Dieu de justice et Celui de miséricorde, l’Intéressé ne cessant pourtant d’affirmer, tout au long de l’Ecriture, sa parfaite immutabilité : Ego enim Dominus et non mutor (Malachie, III, 6). Dieu ne change pas ! Sa Loi ne change pas ! le Christ, de son propre aveu étant venu pour accomplir celle-ci et non pour l’abolir (Matthieu, V, 17).
Au fondement de la Loi, il y a l’Alliance conclue entre Dieu et les hommes par un sacrifice sanglant, sacrifice d’animaux perpétuellement renouvelé depuis Moïse jusqu’au sacrifice parfait et définitif du Christ sur la Croix. Comme nous l’enseigne l’Epitre aux Hébreux, ce parachèvement du sacrifice mosaïque dans le sacrifice chrétien repose sur le principe constant, établi par Dieu, selon lequel « il n’y a pas de pardon sans effusion de sang » (Hébreux, IX, 22). Qui dit pardon, suppose faute, violation de la Loi de Dieu, rupture de l’Alliance qui ne sera renouée que par une nouvelle effusion de sang, celui des animaux ou celui du Christ à travers les sacrements.
Si nous pouvons désormais invoquer la Miséricorde de Dieu, c’est parce que le Christ a satisfait pour nous à la Justice divine : « il a été blessé pour nos iniquités, il a été brisé pour nos crimes ; le châtiment qui nous procure la paix est tombé sur lui, et nous avons été guéris par ses meurtrissures » (Isaïe, LIII, 5) ; « Celui qui n’a point connu le péché, Il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en Lui justice de Dieu (2Corinthiens, V, 21). La dimension expiatoire de la Croix se retrouve encore dans les visions de sainte Faustine qui, par la douloureuse Passion du Christ, arrêta le bras de l’ange exterminateur déjà levé sur le monde. Jésus Lui-même avertit la voyante que s’Il accordait un temps aux âmes pour profiter de Sa Miséricorde, c’est que bientôt viendrait le temps de Sa Justice.
Force est malheureusement de constater que la Miséricorde divine a quelque peu perdu de sa vigueur, compte-tenu du flou entretenu dans l’esprit de nos contemporains au sujet de l’infinie sainteté de Dieu, du péché de l’homme et de son châtiment. Le monde ne s’est en effet guère amendé depuis l’époque de sainte Faustine où la coupe de la colère de Dieu était déjà à deux doigts de déborder. Au-delà de l’apostasie quasi-générale des Etats et des peuples, « la terre demeure souillée par le sang impuni des innocents qu’on a répandu » (Nombres, XXV, 33a), le sang des enfants à qui l’on interdit de naître par centaines de milliers chaque année en France (par millions dans le monde). En l’espèce, si l’on peut se féliciter de la mobilisation pour la défense du mariage naturel, l’absence de bataillons comparables pour la défense de la vie à naître révèle l’endroit où le Serpent a frappé. S’il y a « changement de société », il ne date pas de la loi Taubira, conséquence logique des lois Neuwirth et Veil qui n’auraient pas été adoptées si les catholiques de France s’y étaient radicalement opposés. De nos jours, dans les paroisses les plus « engagées », demeure souvent un malaise diffus, un non-dit autour des questions de la contraception et de l’avortement : les fidèles peuvent adroitement louvoyer en confession comme le pasteur se garder de troubler les meilleures brebis qui lui restent. Et le Cri silencieux de l’innocent s’élève, de plus en plus assourdissant, jusqu’au trône de Dieu.
C’est ainsi que la perte du sens du péché, l’oubli qu’il s’agit là d’une question de vie ou de mort éternelles, nous rendent insensibles à l’urgence de la Miséricorde et nous privent de la joie profonde du pardon accordé, de la reconnaissance envers Dieu d’avoir échappé à l’Enfer. Comment dès lors trouver sans cette louange de Dieu la conviction nécessaire, la force surnaturelle qu’exige la défense pour la Vérité et la Vie face à des adversaires qui ne sont pas seulement de chair et de sang ? C’est renoncer à la radicalité du témoignage au nom du « pragmatisme politique » et rêver de « changer le monde » auprès d’élus qui, au mieux, se font un point d’honneur d’appliquer eux-mêmes dans leurs circonscriptions une loi qu’ils ont un temps combattue.
A suivre
L’Abbé
Bravo et merci Monsieur l’Abbé !
Voilà de saines et saintes paroles devenues très rares car le monde (y compris nombre de chrétien) ne peut ( et ne veut) plus les entendre.
Ce qui attend l’Occident, largement apostat, en aidera certains à pouvoir à nouveau saisir la pertinence et la nécessité, d’un tel discours.
Quelle justesse dans vos propos. C’est un encouragement à confier notre vie à notre Sauveur Jésus Christ et à lire les références que vous citez avec tant de pertinance. Merci